Encrier 87

Textes de 2022 Texte de Daniel d'avril 2022

Bienfaits d'une pandémie .

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Pour vous je ne sais pas, mais pour moi ce fut immédiat, dès l'annonce du "koikilankoute", je me suis 'bunkérisé' illico ... Soit une sortie-maxi par jour : 5 minutes et 50 mètres. le temps d'aller (en masqué 'maison') jusqu'au portillon du jardin pour vider la boite à courrier. Bien regarder que les plus proches "porteurs" sont bien dans les limites sanitaires , sortir le courrier , toujours aussi volumineux, et revenir à l'abri en marche arrière...des fois que des cas contacts... Tout cela semble peu, certes, mais par temps d'épidémie galopante ( rien vu de pareil depuis 1920 avec la grippe espagnole) n'est-ce pas la preuve d'un courage hygiéniste ? La seconde conséquence du confinement permanent a été l'écoute assidue des radios, la lecture des journaux et la surveillance constante des chaînes télé d'infos en continu grâce à la zapette. Ces activités, graves ludiques, autant que culturelles, m'auront permis de garder le pied à l'Etrier-87 (sic)... Ainsi, suivre dans de nombreux débats les commentaires de spécialistes de tous poils, et leurs interviews apnéiques, procurent la sensation que déclenche un trop-plein cérébral après une lecture (partielle) de Duras...

L'entretien qui va suivre montre bien ce qu'il en est de nos dérives langagières au fil de l'eau. Nommés, pour la régularité du débat : le journaliste et l'invité, cet entretien a valeur de document par sa richesse en lieux communs, sentiers battus , banalités éculées, véritables tartes à la crème !

le journaliste :

"bonjour et merci d'avoir accepté notre entretien. Vous avez publié, récemment, dans la partie littéraire d'un grand journal un article dans lequel vous pointez du doigt les mauvais usages du vocabulaire français. Pour vous c'est un mode vernaculaire, certes, mais manquant de niveau et qui dévalorise le Français. Professeur honoraire en Fac-seniors, vous enseignez la linguistique basique modulée.



l'invité :

" tout-à-fait ! exemple : je suis totalement contre l'usage immodéré des temps passés tels l'imparfait et le plus-que-parfait qui relatent de façons imprécises des faits en ne les situant pas de façon précise dans le continuum temporel, surtout dans un temps où l'immersif à valeur de passeport universel."

le journaliste :

"euh... oui...

mais que pensez vous de l'usage sans limites du terme : "les gens..." employé constamment et pour toutes les situations que l'actualité propose ?"

l'invité :

"les synonymes existent en nombre : individus, personnes, citoyens ou électeurs, et aussi contribuables, compatriotes, habitants ou résidents, et, surtout Français. Les gens ! et pourquoi pas la foule ou la populace ? qui sont souvent malveillantes. Mais gardons 'gens-de-lettres' tout de même ! Avec les gens nous tenons le moyen de passer sous les radars, à cet égard je veux dénoncer l'usage défectif et...nauséabond d'un verbe du premier groupe, très court, qui contient tout à la fois : nécessité, délivrance, soulagement et...plaisir !

Partout on l'entend utiliser, à contresens, pour signifier : 'ça me fatigue ! j'en est marre ! ça m'énerve, laissez-moi tranquille ! foutez moi la paix ! et que dire de son participe présent ! omniprésent en toutes circonstances, usité par (presque) tout le monde, même par de charmantes personnes dites du 'beau-sexe' et qui ont la langue bien pendue ! Affligeant et désolant et juste grave en mode idiot !"

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       le journaliste :

"et que pensez-vous de : au plaisir de nous revoir très-trop souvent remplacée par : à la revoyure. ?"

l'invité :



"c'est du français, un peu ancien, remis au goût du jour et encore en usage à notre époque. A utiliser judicieusement afin d'en éviter l'impact ! gardons-lui sa saveur passéiste. Permettez moi, ici, de m'insurger contre une

déformation de cette phrase séculaire <<...avoir le cul bourré de médailles !>>

Cette expression reflète les siècles pieux quand tout se rapportait à la religion dominante. Cette image exprime que les manifestations de la religion étaient constantes, nombreuses et omniprésentes dans la vie courante. Mâtines, messes, prônes, sermons, confessions, angélus, pénitences, diverses processions, quêtes et dons, les pèlerinages jacquaires, les romains et en Terre sainte, autant d'occasions pour les dévots de recevoir et d'accumuler toutes sortes de médailles bénites aux noms de nombreux saints... Trivialement on se moquait des 'culs-bénis' en utilisant la formule forgée par la malice populaire...De nos jours on entend souvent " ...l'avoir bordé de nouilles..." pour signifier une chance insolente, constante et bienvenue...Erreur totale! contre-sens évident ! et partant grossièreté inutile voir imbécile ! Revenons-en à la religiosité grande pourvoyeuse, involontaire, de drolatiques expressions ..."

le journaliste:



" voici, en vrac, quelques expressions d'usage courant et quotidien , dites nous ce que vous en pensez : <<le bébé et l'eau du bain qu'il ne faut pas jeter ensemble, les trous dans la raquette, pour le coup et du coup ! la partie immergée de l'iceberg et celle qui est visible, prendre la lumière, etc... >> et ce ne sont que des exemples entre tant d'autres... "

l'invité :

"effectivement on les entend dans tous les commentaires entre journalistes, avec des interlocuteurs divers et pour souligner tout et rien à la fois...logorrhées constantes et je ne veux pas en dire plus sinon que ces locutions cachent souvent une pauvreté mentale désolante dont je me rend compte chaque jour par moi-même !"

le journaliste :

"pour terminer notre entretien je vous livre une phrase issue de la mouvance actuelle où l'élection présidentielle occupe beaucoup de place dans les débats. Elle a été prononcée au cours d'une rencontre-débat entre un politique connu et le lobby de la chasse : << ...et disons que le poids de la chasse agresse d'abord les femmes...>>

l'invité :



" cette phrase, sortie de son contexte, est anodine en elle même, mais remarquable par l'utilisation de la forme favorite des amateurs d'antistrophes connue comme étant 'l'art de décaler les sons'...



Elle exprime l'esprit du mouvement de libération des femmes, juste revendication que je soutiens. Et je vous conseille cet hebdo (dédié à un palmipède) qui propose un article spécialisé dans cette riche utilisation extensive de notre langue. Je proposerai à mes étudiants-gérontes l'étude de votre phrase chasseresse qui est une belle thèse... Pas d'autre commentaire..."



le journaliste :

" professeur, merci pour votre très aimable collaboration et, surtout, pour votre trait d'esprit contrapétiste final...". & . . .

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