Encrier 87

Le bleu est une couleur chaude. Ce paradoxe coloré est amusant. C'est le titre d'une BD qui a si bien marché qu'elle est devenue un film sous le titre  "la Vie d'Adèle" palme d'or-2013 à Cannes. Ce fut le vrai départ de la carrière d'Adèle Exarchopoulos au cinéma. J'ai gardé le joli texte de Jacqueline (écrit à l'encre bleue) du 8 Décembre récent, d'où mon choix... Elle nous offrait une réflexion sur l'usage du bleu comme pensée salvatrice entre un père et son fils... Depuis j'ai fait un (petit) travail pour en savoir un peu plus sur le bleu. Une visite à l'incontournable M.Pastoureau, et puis les dicos, les bouquins-maison, et aussi quelques souvenirs bleutés...

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On peut noter (liste incomplète je pense) 37 occurences du bleu. Au XVIIIième c'était la couleur préférée des Européens, et de nos jours c'est vrai pour plus de la moitié d'entre nous, ainsi que l'atteste le drapeau aux étoiles qui fit question, il y a quelques jours, d'être placé sous l'Arc . . .  Première couleur nationale le bleue, les casques bleus protègent la Paix; et le 'bleu horizon' de 14-18  porté par les 'bleus' montant au front dans la tenue bleuâtre.Sont-ils en couleur de tranchée depuis ? Le bleu de Prusse et, plus près, celui des Vosges, la période bleue de Picasso et celle de Kandinsky. Françoise Sagan avait des bleus à l'âme...Eluard voyait la Terre comme une orange bleue, et R.G. créa  "Tintin et les oranges bleues.", mille milliards de sabords ! bachis-bouzouks ! ! ectoplasmes ! ! ! Mais le bleu est aussi musique... Eux ils la connaissait, celle de la solitude des champs de coton, "le blues" du Delta...

  Il y a du "bleu" partout : dans les fromages, avec les truites, dans la PQR :  cf:  "le Petit Bleu de l'Agenais" et pour revenir au cinéma n'oublions pas "le Grand Bleu" méga-succès en 1988 avec plus de 9 millions d'entrées en France ! Nombreuses sont les chansons françaises qui parlent en "bleu" ; oui, certes,  mais "la Vie en Rose..." domine le Monde, mais le Monde est couvert de "Fleurs bleues", symbole même d'un charmant romantisme voguant sur une mer de bleuets et de myosotis . . .'Vergiss mich nicht' nous demande tendrement la jolie fleur colorée . . . Bleus ciel (céruléen) azur et céleste, bleu nuit, bleu outremer et bleu marine, bleu égyptien, bleu pastel dit bleu de guède, bleu Guimet, bleu phtalo,  bleu cobalt, il y a tout cela et plus encore si on ajoute les jurons des temps anciens, dont le suffixe évitait d'insulter la Divinité...Brassens les a chanté joyeusement :  "morbleu ! sacrebleu ! vertubleu ! palsambleu ! jarnibleu ! ventrebleu ! pasquebleu !" Ainsi, jadis, on sacrait sans risquer les feux de l'Enfer; de nos jours on prie le "Bon Dieu" par juron interposé.

  Les trois couleurs "primaires" donnent toutes les gammes : celle des orangés qui part du rouge qui, lui, allié au bleu décline tous les violets; la palettes des verts,  mixant jaune et bleu, est superbe. Toutefois il y a une énigme qui nous arrive de loin : incroyablement le bleu n'a pas toujours existé ! Il ne figurait pas dans les mots ni dans le regard des Grecs anciens. Surprenant pour ce peuple qui a inventé la philosophie et la démocratie mais qui n'a pas su discerner ni nommer une couleur devenue si nécessaire pour nous. Les connaisseurs de l'Iliade et de l'Odyssée y ont remarqué le rouge, le blanc et le noir mais pas le bleu. Les  écrits sont imprécis, on dit: "l'Aurore aux doigts de rose", le ciel apparait "bronze", et la mer est "couleur de vin". Toutes les grandes civilisations antiques, sauf une l'égyptienne, méconnaissaient le bleu qui nous est indispensable. Au début  deux notions existent: le blanc (le jour) le noir (la nuit). Puis le rouge du sang, ensuite le jaune du soleil.   Les linguistes affirment que le "kahol" hébreu à la même racine que le "khôl" et que, peut-être, ils dérivent du "kuanos" qu'emploie Homère pour désigner le sombre et le noir. Demeure posée la question : "comment les Grecs ont-ils pu négliger la couleur dominante dans l'univers méditerranéen ? ". Beaucoup plus tard les réfractaires, à qui nous devons d'être indociles , eurent la crainte  que le Ciel ne leur tombe sur la tête, peut-être la même  crainte du "bleu" qui  fit que les Grecs anciens refusèrent de le nommer ?

  Notre héritage gréco-latin, auquel s'est ajouté le judéo-chrétien, nous apprend qu'en latin bleu se dit  "caeruleus" : qui est de la couleur du ciel. Est-ce à dire que les Romains furent plus réalistes que les Grecs ? Peut-être...Mais en   600  avant J.C. les Grecs de Phocée, puissante cité d'Asie mineure, fondèrent, entre-autres, la ville de Massalia qui est maintenant Marseille, couramment nommée : la Cité phocéenne. L'écu armorié de Marseille porte une croix égale d'azur. . . Le Ciel a donc rejoint ses lointains descendants, ces petits enfants grecs qui lèvent, depuis longtemps, les yeux vers le bleu d'azur au-dessus d'eux . . .    &&&