Encrier 87

Textes de Frédérique Texte de Frédérique du 31 octobre

J’ai lit les rêves      Je lis lentement dans la nuit tiède qui enveloppe l’usure. Ce matin, je faisais de même sous ma couverture. Hier, je faisais cela sur une chilienne. Un jour, même, j'étais dans une nuit rouge-orangée, et ma mère s'activait à la préparation du repas… Je le fais partout, en permanence, en lenteur. Je lis. Le jour où elle préparait un pot-au-feu de fugu au curry, en ses entrailles, dans mon hamac, j'étais en train de lire. Quel était le titre de ce livre ? Cela s'oublie, posé en mémoire.

Ici, je lis lentement. Mes yeux parlent de l’usure. Ils voient le brouillard et des émanations de chaleur : c’est la buée du bouillon. Je lis. Ils disent : il faut travailler, les organicistes. Ils disent. Et moi, je lis lentement ; je tourne une page, assise dans l’espace Courbet sur le quai désert de la gare. Je lève les yeux, et me répète que depuis mon origine, je lis. A l'instant où j’ai repris ma lecture, j’ai pris conscience de mon oubli. Était-ce une des raisons de l'incompréhension des organicistes ?  Ma langue avait oublié de se dire. Elle y a mis son temps, je ne lisais plus mais je faisais tout comme.  En un instant qui était le mien, l’univers éveillé dans mes regards, j’ai parlé à tout un chacun ; et aussi à ceux d’entre eux qui désiraient entendre. Je parle : chaque page lue est une page travaillée. J’étais morte la première fois que le souffle de ma bouche a murmuré « quand je lis, je travaille ». Et je suis avec la masse des organicistes qui répétait : il faut travailler, de suspendre un rouage.

Je lis lentement dans la nuit tiède qui enveloppe vos usures. Je vois ce vote de l’usure en votre enveloppe. Votre sang s'écoule de l’enveloppe décachetée. J’ai en mes mains une coupe que je maintiens, tant faire se peut. Nawel est venue me murmurer une peine et tout en l'écoutant, je lisais l'adresse sur l’enveloppe. Je n’ai rien dit. Elle a voulu se retrouver. Elle voulait un lieu de rendez-vous, une heure, cela la rassurait. Pourquoi pas ? ai-je dit, et j’ai pensé : pourquoi ? Comme je n'avais pas de réponses, je suis allée au rendez-vous. C’est ainsi que j’ai rencontré Lucien et Lucas. Ils me tiennent chacun une main et nous écoutons la voix de cette dame, à Babel qui chante: « une page écrite est une page tournée ».

        Ah si, maintenant, je me souviens du titre de la poésie que j’écris au cours de ma lecture.

Commentaires 1

  • Alpico

    Se sentir coupable de lire?

    Se persuader que « quand je lis, je travaille »?

    Mystères enveloppants d’une alchimie personnelle pleine d’évocations furtives

    Alpico

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