_... de la Linguistique. 15/05/2024__
La pratique des ateliers d'écriture c'est la pratique de la Linguistique. Avant l'écrit il y a eu le parler, puis le dessiné, puis le gravé schématisé et l'écrit. Depuis longtemps la chose écrite nous aide, nourrit nos esprits et garde nos mémoires abritées. En témoigne cette locution latine : "verba volent scripta manent" et la sagesse populaire nous rappelle qu'il n'est pas indifférent d'avoir : "la langue bien pendue !" ou bien "langue de vipère"! ... Récemment, voyant approcher la pause estivale, qui ne verra s'écrire que des cartes postales, j'ai revisité le fatras de mes notes périmées, des calepins et des carnets en sont pleins.
C'est ainsi que j'ai retrouvé plusieurs expressions anciennes que j'ai notées au fil des ans. D'où viennent-elles ? Comment les ai-je repérées ? Elles sont là et c'est tout. Les voici, servies avec quelques explications.
1) "fousseurs de trilles" :
à l'origine les 'fousseurs' étaient des chasseurs qui capturaient des oiseaux, soit avec des filets, des trébuchets ou de la glue. Le mot glissa pour désigner ceux qui servaient d'appeaux en sifflant , imitant les chants divers. Ensuite il fut employé pour ceux qui éduquaient les oiseaux captifs en leurs enseignant les 'trilles' propres à leur espèce. Ce fut, longtemps, un commerce prospère car les oiseaux ainsi éduqués étaient très recherchés et qui rapportaient bien...
2) "chouffeuses de batte" :
'chouffer' est de l'argot courant de nos jours, signifiant : regarder, veiller, surveiller, mater, guetter. C'est le cas des jeunes postés aux pieds des immeubles à proximité des points de 'deal'.
'Batte' est le nom donné, il y a quelques siècles, à tous les ustensiles tenus en main et qui servaient à houspiller, bousculer, battre et faire avancer les lambins et plus particulièrement dans les ateliers peuplés de femmes. Objets oblongs, faits de bois et de cuir épais, longs d'un bras ils étaient manier par des matrones acariâtres au service des puissants des lieux. Hors donc les 'chouffeuses' étaient chargées de surveiller les déplacements des 'batteuses' afin de prévenir l'ensemble des femmes au travail pour leur éviter, de par leur fléchissante activité, les coups de 'batte'.
3) "déconceurs de nuls :
Chantiers de Saint-Denis-Miniature de Girard de Roussillon -1448 Détail des échafaudages
On construit depuis longtemps des bâtiments de grande hauteurs. Les cathédrales en sont le plus bel exemple. Imaginons les échafaudages indispensables qui devaient être mis en place tout au long de la construction, sachant qu'il fallait deux siècles pour bâtir une cathédrale. Il y avait toujours un grand besoin de main d'oeuvre pour servir ces grands et très longs chantiers. On y payait mieux qu'ailleurs, il y avait à manger et à se vêtir vu les intempéries. Miniature de Jean Fouquet ?-Construction du Temple
L'aristocratie des bâtisseurs de cathédrales étaient les tailleurs-sculpteurs de pierre. Voyez les statues des saints. Le métier le plus risqué évidemment était celui des échafaudeurs. Très dangereux, il fallait les deux mains pour hisser les perches et pour les fixer en les attachant à ces ensembles branlants et instables Par temps de pluie et de vent c'était effrayant ! Pour faire avancer les chantiers il y avait un corps de 'décanceurs' ou 'déconceurs' c'est selon. Déconcer (ou décancer) signifiait à l'époque : repérer et houspiller les éléments peu productifs, de ceux qui n'utilisant qu'une main, étaient très lents. Ils prouvaient ainsi leur couardise. 'Déconcer' c'était, d'abord repérer, ensuite désigner les 'nuls' (latin : nullus) pour les chasser du chantier.
4) canoteurs d'abus :
Expression récente : 19/20ième prenant naissance dans le jargon des douaniers chargés du littoral qui va du Mt-St-Michel à l'estuaire de la Loire. De tous temps la navigation côtière y a été active étant donné la quasi-absence de routes internes à la Bretagne et de son économie concentrée dans tous ses nombreux ports. La Douane mis donc en place des registres de bord devant porter : jours, heures, parcours et frets transportés, pour qui, etc...L'impopularité d'un tel système fit immédiate et les cabotages par tous temps continuèrent. Les gabelous depuis leurs sentiers côtiers assistaient, de loin, au manège de toutes ces petites embarcations, surtout de pêche, qu'ils nommèrent, entre eux, les "canoteurs d'abus" . . .
La première guerre mis fin à cette situation qui ne reprit pas de façon visible, mais on dit que... depuis les Côtes d'Armor, vers les anglo-normandes et la côte sud de la G.B. ça canoterai encore...Peut-être avec tous ces migrateurs, pauvres mais exploités, et obstinés, qui sait ?
@