Soy
Soy el que sabe que no es menos vano
Que el vano observador que en el espejo
De silencio y cristal sigue el reflejo
O el cuerpo (da lo mismo) del hermano.
Soy, tácitos amigos, el que sabe
Que no hay otra venganza que el olvido
Ni otro perdón. Un dios ha concedido
Al odio humano esta curiosa llave.
Soy el que pese a tan ilustres modos
De errar, no ha descifrado el laberinto
Singular y plural, arduo y distinto,
Del tiempo que es de uno y es de todos.
Soy el que es nadie, el que no fue una espada
En la guerra. Soy eco, olvido, nada.
Je suis
Je suis celui qui se sait non moins vain
Que l’observateur vain qui, au miroir,
Silencieux cristal, s’applique à voir
Le reflet ou le corps de son prochain.
Je sais, muets amis, je sais trop bien
Qu’il n’est d’autre vengeance que l’oubli,
D’autre pardon. Un dieu un jour offrit
Cette clef rare à notre haine d’humains.
Hors d’illustres erreurs, je suis celui
Qui n’a pu déchiffrer le labyrinthe,
L’unité innombrable, ardue, distincte,
Du temps, qui est à moi, à tous. Je suis
Personne, pas même un glaive sanglant.
Je suis l’écho, l’oubli et le néant.
in La Proximité de la mer : une anthologie de 99 poèmes, J.L. Borges édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 2010.