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Je souffre trop du mal d‘air. C'est cela peut-être. Ô ce vide. Et tout à l'heure encore passant par les sphères molles, cette ponction qu'ils m'ont fait subir…
Les mites de la chambre quand elles trouvent un habit, quelle fête ! Quelle fête ! Et même dans une pouilleuse armoire, quelle fête ! Mais si un curieux s’emparait de la mite, c'était seulement un peu de soie évanescente et les doigts s’ensablaient du doux cadavre.
Voilà ce que nous sommes devenues, mites, mais la fête perdue, trop légère dans nos mémoires étouffées.
Je sais, je regarde trop en arrière.
Toutes ne sont pas comme moi. Naguère, je fis la rencontre d'un homme du lointain autrefois. Il me dit : « La paix vient, ma sœur. Il y a près de seize cents ans qu'il ne se passe plus rien pour moi. Cette répétition indéfinie de temps m'assure enfin, moi si douteur, de l’être dont je n'arrivais jamais à être certain sur terre.
« Il m'est presque impossible à présent de douter. Sûrement, il doit y avoir autre chose qu'accidents. J'en ai la quasi-certitude. Il doit y avoir de l’être. Même moi, il faut assurément que je sois. »
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Henri Michaux L’espace aux ombres in Face aux verrous-Gallimard 1954