Écoutez Roger Blin
GLU ET GLI
Et glo
et glu
et déglutit sa bru
gli et glo
et déglutit son pied
glu et gli
et s’englugliglolera.
les glous glous
les sales rats
tape dans le tas !
il n'y a que le premier pas !
il n'y a que ça !
dans le tas !
le rire est dans ma …
un pleur est dans mon …
et le mal Dieu sait où
on en est tous là
vous êtes l'ordure de la terre
si l'ordure vient à se salir
qu'est-ce qui adviendra !
l'ordure n'est pas faite pour la démonstration
un homme qui n'aurait que son pet pour s'exprimer …
pas de rire
pas d'ordure
pas de turlururu
et pas se relire surtout Messieurs les écrivains
Ah ! que je te hais Boileau
Boiteux , Boignetière , Boiloux , Boigermain ,
Boiscamille ,
Boit de travers
Bois ça .
Il n'y a pas de pas qui tienne
ni de papou
les papous seront traités comme des papous
comme des papous ni plus ni moins
les papas seront traités comme les autres
comme les autres ni plus ni moins
et les papes seront traités comme un mystère .
Quant au papier c'est un être très plat et important
et il en sera parlé en temps et lieu ;
malheur au papier qui reste couché sous la plume
et qui est amoureux de l'encre
malheur au papier qui dit comme son maître
si toutefois il y a un malheur possible pour cette pâte de vieux chiffons
Oh ! papier , qui a pu croire que tu serais éternel
la pensée de l'homme est plus libre que l'escargot de sa traduction
l'homme seulement attend , il attend
il y a des siècles qu'il attend perdu dans des taillis de signes s'affairant à de nouveaux alphabets
à des roues de toutes dimensions
lui-même reste inchangé , inamovible
sa pleurnicherie éternellement entée sur lui
et sur tous les enfants qui sortent du ventre des femmes
humides , malmenés , avec déjà un désir fou de s'exprimer ;
mais à un autre la parole
" je suis de la famille de l'accusé "
Oui ! je te suis bien pareil , papier ,
toi et moi dominés et salis , victimes de notre éternelle anémie
un rien a passé , un rien ,et cela marque sur nous
il n'est pas bon pour moi que l'on sache combien j'ai été sali
il n'y a pas un corridor où je n'ai été sali
tous , tout et toujours , et mes propres muscles tournés contre moi
et dans ma peau , en moi-même , aussi,
d'immenses nappes de silence et d'hostilité .
(Ce poème se trouve pages 111- 112 des oeuvres complètes , H.Michaux Biblothèque de la Pléiade )
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