Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Henri Michaux Rencontre avec Henri Michaux : Glu et gli

Écoutez Roger Blin

GLU ET GLI

Et glo

et glu

et déglutit sa bru

gli et glo

et déglutit son pied

glu et gli

et s’englugliglolera.


les glous glous

les sales rats

tape dans le tas !

il n'y a que le premier pas !

il n'y a que ça !

dans le tas !


le rire est dans ma …

un pleur est dans mon …

et le mal Dieu sait où

on en est tous là

vous êtes l'ordure de la terre

si l'ordure vient à se salir

qu'est-ce qui adviendra !

l'ordure n'est pas faite pour la démonstration

un homme qui n'aurait que son pet pour s'exprimer …

pas de rire

pas d'ordure

pas de turlururu

et pas se relire surtout Messieurs les écrivains

Ah ! que je te hais Boileau

Boiteux , Boignetière , Boiloux , Boigermain ,

Boiscamille ,

Boit de travers

Bois ça .


Il n'y a pas de pas qui tienne

ni de papou

les papous seront traités comme des papous

comme des papous ni plus ni moins

les papas seront traités comme les autres

comme les autres ni plus ni moins

et les papes seront traités comme un mystère .

Quant au papier c'est un être très plat et important

et il en sera parlé en temps et lieu ;

malheur au papier qui reste couché sous la plume

et qui est amoureux de l'encre

malheur au papier qui dit comme son maître

si toutefois il y a un malheur possible pour cette pâte de vieux chiffons

Oh ! papier , qui a pu croire que tu serais éternel

la pensée de l'homme est plus libre que l'escargot de sa traduction

l'homme seulement attend , il attend

il y a des siècles qu'il attend perdu dans des taillis de signes s'affairant à de nouveaux alphabets

à des roues de toutes dimensions

lui-même reste inchangé , inamovible

sa pleurnicherie éternellement entée sur lui

et sur tous les enfants qui sortent du ventre des femmes

humides , malmenés , avec déjà un désir fou de s'exprimer ;


mais à un autre la parole

" je suis de la famille de l'accusé "

Oui ! je te suis bien pareil , papier ,

toi et moi dominés et salis , victimes de notre éternelle anémie

un rien a passé , un rien ,et cela marque sur nous

il n'est pas bon pour moi que l'on sache combien j'ai été sali

il n'y a pas un corridor où je n'ai été sali

tous , tout et toujours , et mes propres muscles tournés contre moi

et dans ma peau , en moi-même , aussi,

d'immenses nappes de silence et d'hostilité .

(Ce poème se trouve pages 111- 112 des oeuvres complètes , H.Michaux Biblothèque de la Pléiade )

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