Association Encrier - Poésies

Rencontre avec divers poètes chinois Rencontre avec Li Po( Li Bai) (701-762) : Solitude au clair de lune

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SOLITUDE AU CLAIR DE LUNE

Entouré des fleurs , devant ma coupe

Je bois dans la solitude

Je lève mon verre à la lune

Trinquons à nous trois, la lune mon ombre et moi

La lune ne descend pas boire

Mon ombre ne sait que me suivre

La lune et mon ombre m’accompagnent pour l’instant

Profitons du printemps pour nous laisser aller à l’allégresse

Lorsque je chante la lune flâne

Quand je danse mon ombre zigzague

Amusons-nous ensemble au moment de mon éveil

Avant que l’ivresse ne nous sépare

Promettons-nous un amour éternel

Même si les nuages finissent par nous disperser

LI BAI (Trad. et calligraphie de SHI BO )

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Écoutez André Markowicz lisant sa traduction de ce poème qu'il appelle "Buvant seul sous la lune"

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Buvant seul sous la lune

Pichet de vin posé parmi les fleurs

Boire tout seul privé de compagnons

Levant ma coupe je salue la lune

Nous sommes trois : elle , mon ombre et moi

La lune cependant ne sait pas boire

L’ombre non plus qui m’a toujours suivi

Mais buvons à mon ombre et à la lune

C’est l’éphémère joie de ce printemps

J’entame un chant , la lune suit mon rythme

Je danse , l’ombre danse au même pas

L’éveil et la joie pure d’être ensemble

L’ivresse dissipée chacun se quitte

Errant à tout jamais liés et seuls

Les retrouvailles dans la Voie Lactée.

Li Po (701-762)(ou Li Bai) -Traduction de André Marcowicz publiée en 2015 aux éditions Inculte dans Ombres de Chine

Quatrième de couverture :

(parution le 26 août 2015)

Ombres de Chine est une expérience poétique et de traduction unique en son genre. André Markowicz s’est lancé dans une entreprise aussi folle qu’ambitieuse : offrir au public quatre cents poèmes chinois de l’époque Tang (qui court entre les VIIe et IXe siècles) sans pour autant avoir connaissance de la langue chinoise.

« J’ai décidé de m’en approcher par le seul moyen que j’avais : non pas apprendre le chinois – ce qui m’aurait demandé vingt ans pour n’ajouter, dans le meilleur des cas, qu’une interprétation aux dizaines d’interprétations déjà existantes et dues, elles, à des érudits prodigieux – mais, à partir de toutes ces interprétations, des mots-à-mots les plus divers et des autres traductions, dans toutes les langues que je suis capable de lire (le russe, l’anglais, l’italien, l’espagnol en outre du français), d’essayer d’approcher ce continent flottant. Ce continent d’ombres, grandioses et fluctuantes qu’est, pour celui qui s’en approche comme moi, candidement, la poésie chinoise. »

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Autre traduction :

Libation solitaire sous la lune (Yuexia du zhuo si shou)

I

Une cruche de vin parmi les fleurs ;

Sans aucun de mes proches , seul je bois .

Je lève ma coupe pour inviter la lune;

Avec mon ombre nous sommes trois .

Évidemment , la lune ne sait pas boire ;

Mon ombre ne fait que suivre mes pas .

Lune et ombre sont des amies provisoires ,

Pour s’amuser , il faut jouir du printemps .

Je chante pendant que la lune se promène ;

Je danse et mon ombre devient diffuse .

Sobres , nous nous amusons tous ensemble ;

Ivres , nous prenons chacun notre chemin .

Avec des non-humains je me lie d’amitié ;

Rendez-vous au loin dans la Voie Lactée !

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II

Si le ciel n’aimait pas le vin ,

L’Étoile du vin n’existerait pas .

Si la Terre n’aimait pas le vin ,

La Source de Vin n’existerait pas .

Puisque Ciel et Terre aiment le vin ,

Aimer le vin est conforme au Ciel .

Le vin clair , dit-on , est comme le saint ,

Et le vin trouble , semblable au sage .

Si on a déjà bu et le saint et le sage ,

À quoi bon chercher l’immortalité ?

Trois coupes : on se lie au Grand Dao ;

Plus encore : on se fond dans la Nature .

Si vous saisissez la signification du vin ,

Ne la révélez pas aux sobres gens .

Cette traduction de Florence Hu-Sterk figure page 380 dans le chapitre La dynastie des Tang du volume Anthologie de la poésie chinoise de la Bibliothèque de la Pléiade Gallimard 2015 .