Association Encrier - Poésies

Rencontre avec René Guy Cadou Rencontre avec René Guy Cadou (1920-1951) : Je t'attendais...

Écoutez Daniel Gélin

Je t’attendais ainsi...

Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires

Dans les années de sécheresse quand le blé

Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe

Qui écoute apeurée la grande voix du temps


  Je t’attendais et tous les quais toutes les routes

Ont retenti du pas brûlant qui s’en allait

Vers toi que je portais déjà sur mes épaules

Comme une douce pluie qui ne sèche jamais


  Tu ne remuais encore que par quelques paupières

Quelques pattes d’oiseaux dans les vitres gelées

Je ne voyais en toi que cette solitude

Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou


  Et pourtant c’était toi dans le clair de ma vie

Ce grand tapage matinal qui m’éveillait

Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays

Ces astres ces millions d’astres qui se levaient


  Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres

Pétillaient dans le soir ainsi qu’un vin nouveau

Quand les portes s’ouvraient sur des villes légères

Où nous allions tous deux enlacés par les rues


  Tu venais de si loin derrière ton visage

Que je ne savais plus à chaque battement

Si mon cœur durerait jusqu’au temps de toi-même

Où tu serais en moi plus forte que mon sang


« Je t’attendais ainsi… », Hélène ou le règne végétal, Paris, Seghers, 1951.

Écoutez Michèle Bernard

Lecteur audio intégré

Article de Télérama sur Michèle Bernard :

Télérama (mai 2008)

Il était une fois Michèle Bernard. Auteur, compositrice et interprète qui depuis tout juste trente ans trace son chemin en marge des grands circuits de la chanson. Elle avait pourtant d'emblée été consacrée « découverte » dans un bouil­lonnant Printemps de Bourges et, depuis, elle a réussi la prouesse de décrocher plusieurs prix de l'académie Charles-Cros. Ceux qui s'intéressent de près aux mots dits et chantés savent pertinemment qui elle est, avec son verbe tellement humain qu'il vous file droit au coeur et sa voix si limpide qu'elle vous colle le frisson.


Chanteuse à l'accordéon, plus ou moins réaliste, plus ou moins politique, qui a toujours su, aussi, chanter l'intimité avec une délicatesse désarmante. Aujourd'hui, Michèle Bernard exhume de ses malles quelques-unes de ces chansons d'amour et de tendresse qu'elle interprète en piano-voix (reprises enrichies d'inédits). Même quand on les connaît par coeur, elles nous reviennent aussi fortes qu'hier, dans leur absolue quintessence. Sentiments mis à nu, désirs en liberté dans l'urgence d'aimer et la peur de se perdre. C'est l'art de la chanson dans ce qu'il a de plus simple et de plus précieux, instants de grâce aussi fragiles qu'essentiels.