Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Pierre de Ronsard Rencontre avec Ronsard :Quand ce beau printemps je vois...(Chanson XV)

Quand ce beau printemps je vois...

Écoutez Pierre de Ronsard lu par Lucie De Vienne Blanc(1902-1973)

Chanson XV.

Quand ce beau printemps je vois,

J'aperçois

Rajeunir la terre et l'onde,

Et me semble que le jour

Et l'amour,

Comme enfants, naissent au monde.


Le jour, qui plus beau se fait,

Nous refait

Plus belle et verte la terre :

Et Amour, armé de traits

Et d'attraits,

En nos cœurs nous fait la guerre,


II répand de toutes parts

Feu et dards,

Et dompte sous sa puissance

Hommes, bêtes et oiseaux,

Et les eaux

Lui rendent obéissance.


(Vénus, avec son enfant

Triomphant

Au haut de son Coche assise,

Laisse ses cygnes voler

Parmi l'air

Pour aller voir son Anchise.)


(Quelque part que ses beaux yeux

Par les Cieux

Tournent leurs lumières belles,

L'air qui se montre serein

Est tout plein

D'amoureuse étincelles.)


(Puis en descendant à bas,

Sous ses pas

Naissent mille fleurs écloses :

Les beaux lys et les oeillets

Vermeillets

Rougissent entre les roses.)


(Je sens en ce mois si beau

Le flambeau

D'Amour qui m'échauffe l'âme,

Y voyant de tous côtés

Les beautés

Qu'il emprunte de ma Dame.


(Quand je vois tant de couleurs

Et de fleurs

Qui émaillent un rivage,

Je pense voir le beau teint

Qui est peint

Si vermeil en son visage.)


(Quand je vis les grands rameaux

Des ormeaux

Qui sont lacez de lierre,

Je pense être pris et las

De ses bras,

Et que mon col elle serre).


Quand j'entends la douce voix

Par les bois

Du gai Rossignol qui chante,

D'elle je pense jouir

Et ouïr

Sa douce voix qui m'enchante.


Quand je vois en quelque endroit

Un pin droit,

Ou quelque arbre qui s'élève.

Je me laisse décevoir,

Pensant voir

Sa telle taille et sa grève.(jambe)


(Quand je vois dans un jardin

Au matin

S'éclore une fleur nouvelle,

Je compare le bouton

Au téton

De son beau sein qui pommelle.)


Quand le soleil tout riant

D'Orient

Nous montre sa blonde tresse,

II me semble que je vois

Devant moi

Lever ma belle maîtresse.


Quand je sens parmi les prés

Diaprez



Les fleurs dont la terre est pleine,

Lors je fais croire à mes sens

Que je sens

La douceur de son haleine.


(Bref, je fais comparaison

Par raison

Du Printemps et de ma mie :

II donne aux fleurs la vigueur,

Et mon cœur

D'elle prend vigueur et vie.)


Je voudrais, au bruit de l'eau

D'un ruisseau.

Déplier ses tresses blondes,

Frisant en autant de nœuds

Ses cheveux,

Que je verrais friser d'ondes.


Je voudrais, pour la tenir,

Devenir

Dieu de ces forets désertes,

La baisant autant de fois

Qu'en un bois

Il y a de feuilles vertes.


Ah, maîtresse mon souci,

Vient ici,

Vient contempler la verdure

Les fleurs, de mon amitié

Ont pitié,

Et seule tu n'en as cure.


Au moins lève un peu tes yeux

Gracieux,

Et vois ces deux colombelles,

Qui font naturellement,

Doucement,

L'amour, du bec et des ailes :


Et nous, sous ombre d'honneur,

Le bonheur

Trahissons par une crainte :

Les oiseaux sont plus heureux

Amoureux

Qui font l'amour sans contrainte.


Toutefois ne perdons pas

Nos ébats

Pour ces lois tant rigoureuses :

Mais si tu m'en crois, vivons,

Et suivons

Les colombes amoureuses.


Pour effacer mon émoi,

Baise-moi,

Rebaise-moi, ma Déesse ;

Ne laissons passer en vain

Si soudain

Les ans de notre jeunesse.

Ronsard -Poésies diverses (1587)