Écoutez Frédéric Tison
Éloge et pouvoir de l'absence
Je ne prétends point être là, ni survenir à l’improviste,
ni paraître en habits et chair, ni gouverner par le
poids visible de ma personne,
Ni répondre aux censeurs, de ma voix ; aux rebelles,
d’un oeil implacable ; aux ministres fautifs, d’un
geste qui suspendrait les têtes à mes ongles.
Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence. Mes deux
cent soixante-dix palais tramés entre eux de galeries
opaques s’emplissent seulement de mes traces alternées.
Et des musiques jouent en l’honneur de mon ombre ;
des officiers saluent mon siège vide ; mes femmes
apprécient mieux l’honneur des nuits où je ne daigne pas.
Égal aux Génies qu’on ne peut récuser puisqu’invisibles,
— nulle arme ni poison ne saura venir où
m’atteindre.
Victor Segalen-Stèles