Association Encrier - Poésies

Rencontres avec des textes d'auteurs Texte de Michel Pastoureau : Le Roman de Renart (1174-1220)

Le roman de Renart (1174-1220)

Littérature savante ou littérature populaire ? Origines françaises ou origines germaniques? Contes pour rire ou fables édifiantes. Depuis l'époque romantique, historiens et philologues tentent de répondre à ces questions et s'accordent difficilement pour définir le genre littéraire auquel se rattache cet ensemble de textes que, dès le XIIIe siècle, on réunit dans un même manuscrit puis que l'on nomme Roman de Renart


. L’ensemble, il est vrai, est quelque peu disparate. Il s'agit d'une collection de récits dont le héros est un goupil rusé et maraudeur : Renart. Le succès de l'œuvre transformera progressivement ce nom propre (d’origine germanique) en nom commun. Comme toujours en ancien français le terme « roman « qualifie une narration en langue vulgaire (et non pas en latin) et n'a aucun rapport avec les œuvres modernes que nous désignant sous le même terme . Ces textes sont d'abord destinés à la récitation, sous forme de octosyllabes rimées. Dans le dernier quart du XIIe siècle, certains d'entre eux sont mis par écrit et constituent le noyau primitif sur lequel, au siècle suivant, viennent se greffer de nouveaux épisodes. Sous cette forme, la plus ancienne branche paraît avoir été compilée vers 1174- 1175 par un poète dont nous ignorons tout sauf le nom: Pierre de Saint-Cloud. Mais son œuvre n'est en rien pionnière. Depuis l’Antiquité, les fables réservaient au goupil la vedette du bestiaire, et dès l’époque carolingienne circulaient en milieu monastique des poèmes latins mettant en scène ses démêlés avec le loup, le coq, le corbeau et d'autres animaux. Cette littérature savante est l'ancêtre le plus proche du Roman. Renart et Ysengrin y portent déjà leurs noms définitifs. Le folklore et les traditions orales n’y ont guère de place.


Comme dans les fables, les protagonistes du Roman de Renart sont à la fois des animaux, des personnages individualisés et des types sociaux. Le roi Noble par exemple est tout ensemble un lion , un roi entouré de ses barons et un honnête homme. Les invraisemblances ne sont pas rares: le loup et le mouton devisent amicalement, le sanglier chevauche l’escargot, le coq tue le buffle.Toutes ces bêtes se battent, se font des procès en même temps qu'elles cherchent leur nourriture. Le Roman de Renart en effet est d'abord un roman de la faim. Quant au goupil, dont le caractère devient de plus en plus diabolique au fil des branches et des décennies, il incarne un petit seigneur féodal rebelle et querelleur. Son terrier est à la fois un terrier et un château fort qui porte le nom de Maupertuis. Le passage reproduit ci-après conte le siège qu‘en fait le roi Noble à la fin de la première branche du Roman.

Texte de Michel Pastoureau.

Renart sur la Roue de la Fortune-BNF