Association Encrier - Poésies

Quelques textes des ateliers d'écriture d'Encrier87 à Limoges Texte de S. sur la Kachina 4 de SOTTSASS lu en Atelier d'écriture au Musée A.DUBOUCHÉ

Je lève les bras, je m'étire, je sautille : entends-moi, entends mon souffle, mon aspiration, entends-moi, mes maux, Regarde-moi, je prends mon envol, je décolle, saute à pieds joints, toujours plus haut, là-bas. Regarde...

Je lève les bras, je veux du blanc, de l'innocence, de la pureté, je veux aussi des couleurs, du rouge, du feu, des brûlures, je veux tout et son contraire, le çà et le surmoi.

Je lève les bras, je veux qu'hier regarde demain, je veux des mains pour attraper mes bras, des bras pour caresser mon front, un étendard pour vous dire : « je suis là ».

Mon utopie devenue réalité.

J'ai été façonnée, désirée, inspirée, Je suis enviée, admirée, déshabillée. Je suis un petit peu de ci, quelques pincées de ça, trop ronde, insuffisamment filiforme. Vous me voyez, me touchez avec vos yeux.

Je vous observe, vous vois, cachée derrière les stries badigeonnées de noir, Je vous souris ou vous tire la langue.

Epuisée je le suis, les bras levés à longueur de journée. Je m'étire : je me répète, mon vocabulaire s'appauvrit, je suis la quatrième de la fratrie, un peu comme les autres, mais pas tout à fait.

Je suis l'unique pour être toi, toi qui me dévisages, me mets à nue : me voilà donc dénudée, enserrée entre tes doigts, je pars avec toi, dans ta vie, nos sangs emmêlés, nos ADN mélangés, nos corps enchâssés, ma main dans la tienne, tu me souffles ma liberté. Kachina4.jpg


A l'occasion du rappel de ce texte sur une katsina , je place ici des extraits d'un article du journal "Le Monde" du 10/6/2015 ;

Des ethnologues dénoncent la vente des objets cultuels des Indiens Hopi

(article du Monde paru le 10/6/2011) :

Extraits ;

La vente d’une centaine de katsinam des Indiens Hopi d’Arizona, à Drouot en avril 2013, juin et décembre 2014 et ce mercredi 10 juin a naturellement été un choc pour tous ceux qui connaissent cette tribu et sa culture vivante. Les protestations de tout un peuple à travers son chairman, l’appel répété de l’ambassadeur des Etats-Unis en France, les explications des ethnologues ou encore le référé déposé par Survival International et son avocat, Me Pierre Servan-Schreiber, en avril 2013, auront été vains. Vain également le déplacement à Paris, en décembre 2014 de Mme Humetewa, première juge fédérale d’origine hopi, qui s’est entretenue à ce sujet avec Mme Taubira, ministre de la justice .


La culture des Hopi, petit peuple de 18 000 âmes vivant en Arizona, est encore remarquablement vive même si leur cycle cérémoniel, jadis d’une grande richesse ne demeure complet qu’en un seul village. Un culte pourtant résiste, il a toujours été essentiel à leurs croyances et à leurs pratiques. Il se confond maintenant avec leur existence et constitue ce qu’ils ont de plus « précieux ». Ce sont les katsinam : des danseurs portant des « masques ».

Ces katsinam président à l’initiation des jeunes et doivent absolument demeurer cachés le reste du temps. Ils ne peuvent bien sûr être photographiés, ni dessinés sur place ni, a fortiori, cédés ou vendus. Ils accompagneront chaque individu tout au long de sa vie tissant à travers le temps et l’espace un lien entre les générations. Car les katsinam ont plusieurs dimensions : ce sont les âmes des morts qui reviennent danser avec leurs descendants aux villages à la saison des cultures ; ce sont les nuages qui portent la pluie, la vie, en ces contrées désertiques et, par extension, ce sont les figures diverses de la réalité : animaux, plantes, astres, etc.

Ils permettent, selon les Hopi, le renouveau annuel, malgré la précarité de leur condition. Enfant, un Hopi reçoit des katsinam eux-mêmes des poupées les représentant. Il saura ainsi les reconnaître puis apprendra, à terme, que ces personnages généreux sont en fait ses oncles et pères mais que, lors des danses, les katsinam les revêtent d’une identité ambiguë, essentielle et intime. A sa mort, le visage recouvert d’un masque de coton, il deviendra à son tour nuage…

Patrick Perez (Ethnologue, enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT)) Gilles Colin (Doctorant en ethnologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)) Jean-Patrick Razon (Ethnologue, Survival International France)