
Écoutez Suzanne Flon
XIII
Oh si j'estois en ce beau sein ravie
De celui là pour lequel vois mourant :
Si avec lui vivre le demeurant
De mes cours jours ne m'empeschoit envie :
Si m'acollant me disoit : chere Amie,
Contentons nous l'un l'autre, s'asseurant
Que ja tempeste, Euripe, ne Courant
Ne nous pourra desjoindre en notre vie :
Si de mes bras le tenant acollé,
Comme du Lierre est l'arbre encercelé,
La mort venoit, de mon aise envieuse :
Lors que souef plus il me baiseroit,
Et mon esprit sur ses levres fuiroit,
Bien je mourrois, plus que vivante, heureuse.
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Oh ! si j'étais emportée sur la belle poitrine
de celui pour lequel je me meurs :
si l'envie ne m'empêchait pas de vivre
le peu de temps qu'il me reste :
Si en m'enlaçant il me disait : « chère Amie,
rendons-nous heureux l'un l'autre », il s'assurerait ainsi
que jamais la tempête, Euripe, ou un courant
ne pourra nous séparer durant notre vie :
si, alors que je le tenais enlacé dans mes bras,
comme le lierre encercle l'arbre,
la mort venait, envieuse de mon bonheur :
lorsque tout doucement il m'embrasserait,
et que mon esprit sur ses lèvres fuirait,
je mourrais bien plus heureuse que je ne le serais vivante.


