Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Robert Desnos Rencontre avec Robert Desnos : Les Hommes sur la terre

Double CD

Réédition du billet du 15 avril 2017

Écoutez Denis Lavant & Êve Griliquez

Les Hommes sur la terre



Nous étions quatre autour d’une table

Buvant du vin rouge et chantant

Quand nous en avions envie.




Une giroflée flétrie dans un jardin à l’abandon

Le souvenir d’une robe au détour d’une allée

Une persienne battant la façade.




Le premier dit : « Le monde est vaste et le vin est bon

Vaste est mon cœur et bon mon sang

Pourquoi mes mains et mon cœur sont-ils vides ? »




Un soir d’été le chant des rameurs sur une rivière

Le reflet des grands peupliers

Et la sirène d’un remorqueur demandant l’écluse.




Le second dit : « J’ai rencontré une fontaine

L’eau était fraîche et parfumée

Je ne sais plus où elle est et tous quatre nous mourrons ».




Que les ruisseaux sont beaux dans les villes

Par un matin d’avril

Quand ils charrient des arcs-en-ciel.




Le troisième dit : « Nous sommes nés depuis peu

Et déjà nous avons pas mal de souvenirs

Mais je veux les oublier. »




Un escalier plein d’ombre

Une porte mal fermée

Une femme surprise nue.




Le quatrième dit : « Quels souvenirs ?

Cet instant est un bivouac

Ô mes amis nous allons nous séparer. »




La nuit tombe sur un carrefour

La première lumière dans la campagne

L’odeur des herbes qui brûlent.




Nous nous quittâmes tous les quatre

Lequel étais-je et qu’ai-je dit ?

C’était un jour du temps passé.




La croupe luisante d’un cheval

Le cri d’un oiseau dans la nuit

Le clapotis des fleuves sous les ponts.




L’un des quatre est mort

Deux autres ne valent guère mieux

Mais je suis bien vivant et je crois que c’est pour longtemps.




Les collines couvertes de thym

La vieille cour moussue

L’ancienne rue qui conduisait aux forêts.




Ô vie, ô hommes, amitiés renaissantes

Et tout le sang du monde circulant dans des veines

Dans des veines différentes mais des veines d’hommes, d’hommes sur la terre.