"Nous ne savons rien de ce départ qui ne partage rien avec nous
Nous n'avons pas de raison de vouer admiration, amour, haine à la mort "
texte écrit par Rainer-Maria Rilke à la mémoire de Louise von Schwerin, inscrit dans le cimetière Acattolico de Capri , cité page 23 dans Trésor caché , roman de Pascal Quignard
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Nous ne savons rien de ce départ qui ne partage rien
avec nous. Nous ne devons ni haine,
ni admiration, ni amour à cette mort, rien
qu’une bouche de masque tragique
étrangement déformé. Le monde est rempli encore
de rôles que nous jouons.
Tant qu’il nous importe de plaire, la mort
jouera aussi son jeu même s’il ne plaît point.
Pourtant comme tu marchais, un rayon de réalité
pénétra sur la scène, à travers cette faille
par où tu t’en allais : vert d’un vert vrai,
du vrai soleil, une vraie forêt.
Nous continuons de jouer. Récitant, inquiets,
des choses apprises avec peine,
cueillant des visages d’ici, de là ; mais ta présence
si lointaine, arrachée à notre rôle
peut nous surprendre parfois, comme une connaissance
qui sombre vers nous de cette réalité,
au point qu’un instant, emportés par l’élan
nous jouons la vie, sans penser aux applaudissements.
Nouveaux poèmes (Neue Gedichte, 1907)
Œuvres II, Poésie (Editions du Seuil, 1972)
(traduction de Lorand Gaspar).
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La mort est grande.
Nous lui appartenons,
Bouche riante.
Lorsqu'au coeur de la vie nous nous croyons,
Elle ose tout à coup
pleurer en nous.
Das Buch der Bilder, Schlußstück,
Le Livre d'images, Finale (1901)
(traduction de M. Betz).
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Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille,
Mais le fruit qui est au centre de tout,
C'est la grande mort que chacun porte en lui.
Das Buch von der Armut und vom Tode,
Le livre de la pauvreté et de la mort (1903)
(traduction de A. Adamov).




