Écoutez Jean Topart
EXIL
V
« ... Comme celui qui se dévêt à la vue de la mer, comme celui qui s’est levé pour honorer la première brise de terre (et voici que son front a grandi sous le casque),
« Les mains plus nues qu’à ma naissance et la lèvre plus libre, l’oreille à ces coraux où gît la plainte d’un autre âge,
« Me voici restitué à ma rive natale... Il n’est d’histoire que de l’âme, il n’est d’aisance que de l’âme.
« Avec l’achaine, l’anophèle, avec les chaumes et les sables, avec les choses les plus frêles, avec les choses les plus vaines, la simple chose, la simple chose que voilà, la simple chose d’être là, dans l’écoulement du jour...
« Sur des squelettes d’oiseaux nains s’en va l’enfance de ce jour, en vêtement des îles, et plus légère que l’enfance sur ses os creux de mouette, de guifette, la brise enchante les eaux filles en vêtement d’écailles pour les îles...
« Ô sables, ô résines ! l’élytre pourpre du destin dans une grande fixité de l’œil ! et sur l’arène sans violence, l’exil et ses clés pures, la journée traversée d’un os vert comme un poisson des îles...
« Midi chante, ô tristesse !... et la merveille est annoncée par ce cri : ô merveille ! et ce n’est pas assez d’en rire sous les larmes...
« Mais qu’est-ce là, oh ! qu’est-ce, en toute chose, qui soudain fait défaut ? ... » Je sais. J’ai vu. Nul n’en convienne ! – Et déjà la journée s’épaissit comme un lait.
L’ennui cherche son ombre aux royaumes d’Arsace ; et la tristesse errante mène son goût d’euphorbe par le monde, l’espace où vivent les rapaces tombe en d’étranges déshérences...
Plaise au sage d’épier la naissance des schismes !... Le ciel est un Sahel où va l’azalaïe en quête de sel gemme.
Plus d’un siècle se voile aux défaillances de l’histoire.
Et le soleil enfouit ses beaux sesterces dans les sables, à la montée des ombres où mûrissent les sentences d’orage.
Ô présides sous l’eau verte ! qu’une herbe illustre sous les mers nous parle encore de l’exil... et le Poète prend ombrage
De ces grandes feuilles de calcaire, à fleur d’abîme, sur des socles : dentelle au masque de la mort...



