Encrier 87

 « Ma » Folle Complainte

Je vais récolter les consonnes et les voyelles qui sont tombées à mes pieds, comme des larmes. Le vent du Nord, qui souffle à mes oreilles, me chuchote : avant d'ouvrir la bouche, assure-toi que ce tu vas dire aura la même importance que le silence.

Parce que le silence vaut mieux que la parole.

Et si le silence prenait la parole ?

Faut-il se taire pour écrire ?

Faut-il rester coi ?

Oh ! Elle l’a dit ou écrit, je ne sais, assurément pas les deux « Écrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire, c'est hurler sans bruit » a chuchoté, Marguerite (Duras)

. Chaque parole a des conséquences, mais chaque silence aussi.

Et je me dis qu'il vaut mieux parler seule que de ne pas parler du tout.

Ainsi, même en brisant le silence, je parviendrai à le garder. Car moi seule entendrai.

Cette nuit, avec quatre voyelles et sept consonnes, j'ai écrit « ma » folle complainte en me taisant.

Oui — — —

Mon

Âme du moment.

elle est F - O - L - L - E - - -

F - Funèbre,

O - Obscure,

L - Lugubre,

L - Larmoyante,

E - Eperdue,

elle est une C - O - M - P - L - A - I - N - T - E - - -

C - une Cantilène,

O - une Odyssée,

M - une Mélopée,

P - une Promesse,

L - une Lamentation,

A - dans l’Adversité,

I - et dans l’Infortune,

N _ celle d'une Naufragée,

T -  à cet instant, si Triste,

E -  comme une Elégie.

Sans musique, avec parfois des mots composés des quatre voyelles et des sept consonnes vivent mes écrits du jeudi. Ils sont de folles, balades, à quatre ou sept - - - ou davantage. Et les paroles s'envolent autrement. Follement, Ostensiblement, Lyriquement, Librement, Entièrement.