Boris Vian, dans sa complainte du progrès avait inventé la tourniquette à vinaigrette, le pistolet à gaufres, l'atomixer, le cire-godasses, le repasse-limaces, le tabouret à glace, le chauffe-savates, le canon à patates...
Charles Trenet, dans sa folle complainte, inventa la passoire à se donner de la joie.
Une passoire, tout le monde le sait, c'est pratique. Il en existe des rondes, des carrées, des grandes, des petites, en inox, en aluminium, en tôle émaillée, en plastique.
C'est polyvalent une passoire : ça filtre, ça retient, ça laisse couler, ça purifie, ça tamise, ça clarifie, ça débarrasse , ça suinte, ça élimine.
Mais on peut lui trouver bien d'autres usages :
On y verse ses caprices, ça les fait passer.
On y verse du jus de crâne, ça retient les idées noires.
On y verse ses envies, ça les retient.
On y verse du sable, ça nous donne du temps. La passoire devient alors un passe-temps.
La bonne de Charles Trenet en savait quelque chose, elle qui aimait la sentir passer. Quand on est solitaire, il faut bien en passer par là. Ou par ailleurs. Ces choses sont passées dans les mœurs.
La passoire est modeste ; discrète, elle ne fait que passer. Trenet aurait d'ailleurs pu passer sous silence la joie de la bonne.
La passoire est muette, ce n'est pas elle qui crierait à la cantonade : « laissez-passer, laissez-passer ! » Non, non, patiente, elle attend que ça passe ! On peut l'utiliser sans autorisation particulière, nul besoin de laisser-passer, ni de passe-droits. Il faut lui faire confiance et se dire que ça passera bien.
Bon, assez digressé, le problème avec la bonne de Charles Trenet survient quand le grand-père s'en mêle avec sa moustache toute rêche. Dommage, car une brosse à passoire à poils souples eut été d'un meilleur secours. Comme chacun le sait , une passoire a des trous qui parfois se bouchent. Les poils souples de la brosse chatouillent agréablement et assurent un nettoyage en profondeur. Autre avantage de la brosse à passoire par rapport au grand-père, elle possède un long manche rigide.
Notons que la famille de monsieur Trenet aurait pu conseiller à la bonne l'usage du chinois à la maille plus resserrée, plus fine. C'est ainsi, les Chinois se croient toujours plus malins. Mais la pauvre bonne n'avait sans doute pas eu vent de ces raffinements.
Commentaires 2
Quelle ode à la passoire ! Quelle richesse dans tout cela ! Quelle bonne idée de rappeler Boris Vian et sa complainte du progrès.
Et cela, à partir d’une allusion, osée pour l’époque, à un sex-toy rustique et à l’intervention du grand-père moustachu(qui règle à sa façon le problème de la misère sexuelle de sa bonne).
...un (humoriste) aurait pu dire sur "le" sujet : ><Oh ! bonheur ne m'abandonne pas dans ma quête du plaisir de vivre...<> tout le reste n'étant que désirs refoulés, gestes esquissés ou rencontres de hasard...au fait le terme complet est : "...bonne à tout faire..." alors ? DD. 06/03/2024