Encrier 87

Textes de Fabienne Texte de Fabienne du 13 novembre

tu en as vu

                           toi
             de toutes les couleurs
               de tes propres yeux
                     tu en as vu
          des vertes et des pas mûres
                      tu en as vu
            de tes yeux des couleurs
           des mûres et des pas sûres
                              ?

                       tu as vu
         des visages transparents
         des paysages désolants
                      tu as vu
                 de tes yeux
              des couleurs passées
              des yeux éteints
                tu as entendu
             des gorges nouées

                      dis-le
                     dis-leur

                       dis-leur
                       les sueurs
                   les yeux qui coulent
 
            les humeurs transparentes et humides
            qui suintent des pores et des corps
           des peaux fragiles qui nous fabriquent




                  est-ce qu’on ruisselle
                avec la mer et les rivières
              est-ce qu’on pleure et crache
                       la même eau
                  les mêmes matières

                          dis-le
                         dis-leur

                    que tu l’as vue
          la matière qui suinte de tous les vivants
             de leurs fatigues et de leurs peurs
              de leurs sueurs et de leurs rires
                 de la douleur et du plaisir

                            dis-leur
                        que tu as vu
                 les humeurs humides
           se mêler aux liquides terrestres
           et qu’il était sensible et puissant
                      le tremblement
                         du vivant

             ne leur dis pas
          ne leur dis pas que
                    après

           tu as vu de tes yeux
            jaillir une tornade
         de ce bouillon de glaire
           crachats baves bile
            atrabile et gourme
           salive pisse larmes
                fleuves noirs
                mers opaques
                 marécages
                 et ruisseaux

                    pas que
                  ne dis pas

            tu as vu de ce bouillon
               jaillir une tornade

                et millions de centaures
                    s’élever avec elle

            pourfendre l’horizon et les voûtes du ciel
                       traverser le soleil
                             exploser
                         ne leur dis pas
                             tu as vu
                               alors
                            LES COULEURS
                            ne leur dis pas
                             pas encore

Commentaires 4

  • Magali du jeudi

    magne et féerique

    Magali du jeudi

  • Alpico

    Merci de nous rappeler

    que de la naissance à la mort

    chacun est en permanence cerné de fluides divers

    C'est un peu sombre tout ça .....

    Il est vrai qu'll est souvent difficile de regarder la réalité

    surtout en cette sombre période

    Et tu fais bien défiler plein d'images auxquelles on refuse de penser .

    Heureusement, tu finis sur les couleurs ....

    Alpico

  • Liseroon

    Le vivant...la lutte...j'entends un hommage pour les soignants.

    Liseroon

  • Lilah

    Et moi je te dis : c'est par " la peau fragile qui me fabrique " que je reçois tes mots , il est " sensible et puissant le tremblement" qu'ils provoquent en moi .

    Comme j'aimerais entendre ta voix , ton regard, ton corps offrir ce poème aux hommes et à l'univers !

    Lilah

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