Encrier 87

Textes de 2022 Cinq contes écrits à dix mains chacun

1)

ll était une fois trois sœurs et deux frères. Ils étaient souvent seuls, sans adulte, grandissant en troupeau égaré, instinctivement solidaires, mais sans règles. Ils grandissaient dans cet "entre soi" le soir, et le jour partaient voir le monde.

Tous les jours ils descendaient vers le cœur de la ville pour mendier. Les trois filles montraient leurs nombrils et les deux garçons tendaient leurs sébiles.

Un jour un tout petit enfant, beaucoup plus jeune et tendre que les trois sœurs et les deux frères, posa son doigt sur le nombril de la plus grande des sœurs et qui était aussi la plus jeune de tous ses frères et sœurs.

Depuis ce jour la plus grande de tous les frères et sœurs bien que la plus jeune et le tout petit enfant ne se quittent plus. Le nombril du monde a frémi et s'est paré de rubis.

La leçon de cette histoire c'est que les plus jeunes enfants de la Terre connaissent le secret de la fraternité, la force de la sororité et nous sauveront des soleils sauvages.

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2)

Il était une fois un jeune prince enfermé dans la plus haute tour d’un château perdu dans les plus hautes montagnes.

Tous les jours il ouvrait son unique fenêtre. Le jeune prince humait l’air, regardait les nuages, devinait le lointain. Il se régalait chaque matin de la plus petite nouveauté. Tant et si bien qu’il finit par chanter avec les oiseaux de la forêt.

Un jour, l’hiver arriva, plus froid qu’à son habitude. Les oiseaux ont dû migrer malgré eux et bien sûr la nature s’est recroquevillée pour prendre des forces avant le printemps. Le jeune prince se demanda avec il pourrait chanter maintenant.

Depuis ce jour, le prince commença à s’intéresser aux gueux vociférants, aux jongleurs, aux cantatrices pulpeuses de poitrine, aux castrats, aux soprani et aux barytons. C’est depuis ce jour aussi que deux ailes, toutes petites, ont poussé sur ses omoplates. C’est depuis ce jour aussi que le prince s’est juré surtout, de ne jamais ressembler à son père Charles XI, tueur fou des foules.

La leçon de cette histoire c’est que où que l’on soit né, c’est à l’écoute du monde que l’on trouve sa juste place. Et que parfois peut-être, il faudrait arrêter de courir partout pour prendre le temps de l’entendre, cette rumeur, et de s’accorder à sa respiration.

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3 )

Il était une fois le désert de Gobi envahi par des foules de groupes venus là avec des guides. Une jeune fille semblait avoir envie de s’éloigner de son groupe.

Tous les jours, nous constatons que des jeunes filles marchent vers le désert pour vivre une vie d’ermite soudée aux singularités multiples. Alors quoi, qu’est-ce qui retient notre attention sur cette jeune fille en particulier?

Un jour, cette fille justement a fait demi-tour. Elle a tourné le dos à ce cadre qui l’effaçait, elle a voulu prendre un autre chemin. Ce faisant, elle nous a ébahis, son envol n’est pas passé inaperçu, c’était Margaret Tatcher!

Depuis ce jour, elle est devenue l’archétype de la « politic woman » : 1/3 Tatcher, 1/3Merkel et 1/3 elle-même. Elle se présenta à la présidentielle, où son 1/3Valérie ( c’était son prénom) s’avéra insuffisant pour intéresser le corps électoral.

La leçon de cette histoire c’est que toute jeune fille est multiple, que l'érémitisme mène à tout, le scoutisme également, et qu’enfin la politique et ce qui y mène est rempli de mystère et de confusion.

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4)

Il était une fois, dans la ville de Foix, un homme de foi qui craignait de la perdre. Alors il attacha sa foi à son cou avec un collier volé à son chien . Le clébard heureux d’être libre fila vers…

Tous les jours l’homme de foi sortait de sa maison et traversait la ville de Foix, sa foi attachée à soi, à lui donc, à son cou. Il cherchait dans le regard des habitants de Foix la conviction que sa foi était visible et vivante; Il cherchait aussi son chien qui avait disparu.

Un jour, alors qu’il cherchait son chien, il rencontra le charcutier qui l’invita à venir goûter sa nouvelle recette de pâté de foie . Une fois n’est pas coutume, il se laissa aller à ce petit écart de conduite.

Depuis ce jour charcutier et croyant partagent à foison leur foi en l’amitié , le pâté et la sérénité. Le chien a fondé famille et s’est beaucoup attaché à se reproduire avec joyeuseté.Tandis qu’aux cous des mécréants sautillent des croix bâtardes, de celles qui vous disent de prendre les chemins tordus aux ronds-points du destin.

Les leçons foisonnantes de cette histoire sont:

— Une fois pour toutes, dans la vie, il faut avoir la foi du charbonnier en tout ce qui se présente et surtout ne jamais avoir peur du pâté, de l’amitié et de la sérénité!

— Ensuite, l’habit fait le foime, ( et voilà que je viens d’assister à une véritable foire d’empoigne entre le m, mon chouchou qui aurait fait apparaître le moine alors que les f suivis des oi se sont entendus comme larrons en foire pour faire apparaître ce néologisme dénué de tout sens: foime )

— Enfin, je me rendrais coupable de foi-mentie si je n’ajoutais pas une dernière leçon: nous n’existons que par le regard de l’autre!!!

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5)

Il était une fois un homme qui prenait uniquement les chemins, routes, rues d’un seul sens : à gauche. Personne ne savait dire comment ceci était venu, mais force est de constater que cet homme devant les carrefours, choisissait la gauche toute. Cela évidemment n’allait pas sans poser problème.

Tous les jours, il voulait se rendre à un point précis, mais n’ayant pas bien lui-même conscience de son gauchisme chronique, il finissait bien sûr par tourner en rond. Ses journées étaient devenues des tourbillons épuisants. L’usage d’un plan aurait pu l’aider, mais il trouvait cela inconvenant.

Un jour, pourtant, dans son manège incessant, il rencontra, ou plutôt il heurta un quidam, qui lui allait toujours à droite. Au départ, ils s’ignoraient puisque se tournant le dos, mais un incident vient bouleverser leur train-train routinier. Depuis ce jour, ils ne sortaient plus l’un et l’autre que pour retrouver cette sensation unique et droitignagauchique : être idéologiquement et marchamment si éloignés l’un de l’autre, se heurter et s’en réjouir.

La leçon de cette histoire, c’est que comme dirait mon professeur de sciences physique, les opposés s’attirent, et il n’y a pas de force centrifuge sans force centripète.

Commentaires 1

  • DiNëR

    10 mains font 5 esprits ! indubitable ! cinq esprits, associés, philosophent allègrement . . . bien cette 'foi' dans la jeunesse , déjà là, et qui nous survivra... agréable de penser que le 'croc-top' va sauver notre Monde... et que Mrs Thatcher aille rôtir dans l'enfer des "anti-démocrates" . . .

    DiNëR

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