Ma très chère sœur,
Je t’envoie une lettre écrite avec mon cœur, de ma main valide, arque boutée sur un stylo à bille dont la couleur de l’encre est bleue. Ie véhicule de mes pensées, je le tiens entre mon pouce et mon index qui le guident à transporter le message sur le support qui constitue le reste de mon matériel épistolaire : une belle feuille de papier blanc à petit grammage, format A4 sans lignage.
Je confierai la missive dûment enveloppée, cachetée et estampillée, non sans y avoir fait apparaitre ton adresse, aux bons soins de cet organisme national d’acheminement du courrier appelé La Poste. Cette armée de vénérables fonctionnaires dévoués mettra tout en œuvre pour acheminer notre correspondance par voies aériennes, par trains à grande vitesse, par diverses sociétés d’expédition, par camionnettes jaunes ou par vélos électriques. Et peut-être aussi, si cela s’avère nécessaire, par voie maritime, en véhicule tout terrains ou en motoneige et, demain, peut-être, avec l’aide d’un drone. En fin de compte, ma lettre te parviendra en bonnes mains, remise par un individu en uniforme officiel bleu et jaune, multi fonction et multi bras, appelé facteur.
Je dis cela car cet agent du service public est aussi habilité à t’apporter à domicile du pain, des médicaments, des conseils financiers, prendre simplement de tes nouvelles ou te tenir compagnie. Il n’exerce pas encore la fonction de confident ou de psy mais il pourra bientôt te préparer à l’examen du permis de conduire. Et te prodiguer des conseils pour que tu puisses te familiariser avec la toute nouvelle méthode de télécommunication en vogue. Ca s’appelle le texto et ça se pratique en tapant des lettres sur un téléphone portable qui parviennent au(x) destinataire(s) à la vitesse de l’immédiateté.
C’est beaucoup plus consommateur d’énergie que l’ancien système car les fournisseurs d’accès à ce dernier doivent stocker les dizaines de milliards de données issues de ces messages. Elles sont entreposées dans des lieux appelés DATA qui ont besoin de systèmes de refroidissement onéreux et très nuisibles pour l’environnement.
A part ça, je vais bien. J’espère qu’il en va de même pour toi. Je voulais juste t’informer que j’ai rompu avec Dolores. Je joins le contenu du texto que je lui ai envoyé ; j’ai trouvé ainsi plus pratique de lui dire que j’en avais assez de cette relation invivable pour nos deux personnes qui se sont, somme toute assez fortuitement, trouvées sur le site de rencontres « #Je te kiffe grave ». Ça s’est avéré plus simple de faire de la sorte, sans emmerdement de retour de courrier en plaintes et arguments affectifs, sans chantage oral et pleureuses lamentations, ni suffocations larmoyantes ou supplications hystériques. Bref, sans tambour ni trompette, du clarinette ! Du rondement mené, je dis ce que je pense et pas d’objection. Rompez.
Circulez ! Y’a rien à voir, je veux vivre ma vie en solo en l’organisant autour de ma petite personne adulée que par moi-même. Et il ne m’est apparu qu’une seule façon de casser ce lien si peu solide noué avec Dolores : lui dire tout de go que c’en est fini de ces simagrées superfétatoires qui envenimaient ma vie ; obscure traversée d’un crépuscule relationnel dans un océan de niaiseries conjugales qu’aucune phalène ou bouée de sauvetage ne semblaient en mesure d’en baliser, vers un radieux avenir, les contours de l’espérance et du secours.
« Dolores, je te quitte, et puisque le texto se moque de la langue, je t’annonce ne plus vouloir rentrer la mienne au contact de la tienne dans nos bouches. Jet po le tant dent dire +. Oqp par masseur au bout de mon stylo.»
Commentaires 1
"Rompez, circulez ...." (comme à l'armée?)
Soit dit entre nous, je le trouve un peu macho et mal embouché, ton héros, il n'a pas l'air commode ; mais par les temps qui courent, les gens ont les nerfs à fleur de peau , alors ...
L' important , c'est que ton héros se sentent bien , n'est-ce pas ?