Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Sophia de Mello Breyner Andresen (1919-2004) Rencontre avec Sophia de Mello Breyner Andresen : Les Îles

LES ÎLES

I

Nous naviguâmes vers l’Orient—

La longue côte

Était d'un vert épais et somnolent


Un vert immobile sous l'immobilité du vent

Jusqu'à la blanche page couleur de roses

Touchée par les eaux transparentes.


Alors surgirent les îles lumineuses

D'un bleu si pur si violent,

Qu'il dépassait l'éclat du firmament

Navigué par des grues miraculeuses


Et en où s’effacèrent la mémoire et le temps.

1977


II

Navigation abstraite

Tel un poisson tout droit le vol suit la route

Vue d'en haut la terre devint carte


Mais soudain

Nous traversons de l'Orient la grande porte

De saphirs bleus dans la mer brillante

1977


III

À la lumière du premier regard

Le matin illuminait le creux

D'absentes voiles quêtant ces parages.


Ils descendirent les ancres obscures

De ceux qui vinrent à la recherche

Du visage réel de toutes les figures

Et osèrent —aventure incroyable—

Vivre l'entièreté du possible.

1977


IV

Dolce color d'oriental zaffiro Dante--Puro canto

Ici perçut la naissance en fleur des îles,

Celui qui venant par la mer, descendit au Sud,

Et vers le Levant contourna le cap

Guidant la rainure des noires quilles


Et sous les hauts nuages blanches lyres

Les yeux virent vraiment

Le doux bleu d’Orient et de saphirs

1977


V

Là nous contemplâmes la véhémence du visible

L’apparition totale exposée en entier

Et ce dont nous n’avions même pas osé rêver

Était le vrai.

1977


Vi

Ils naviguaient sans la carte, qu'ils dressaient


(Laissant derrière eux complots et palabres

Sourdes intrigues de bordels et de cours)


Les hommes savants avaient conclu

Qu'il n'y avait que le déjà su :

Plus loin seulement le non navigable

Sous la clameur d'un soleil inhabitable


Écriture indéchiffrée de nouveaux astres

Dans le silence des zones nébuleuses

Tremblante la boussole tâtonnait des espaces


Puis surgirent les côtes lumineuses

Silences et palmeraies fraîcheur brûlante

Et l‘éclat du visible en pleine face

1979


VII

Difficile de savoir ta mort en face

De ne plus jamais t'attendre dans les miroirs de la brume

1979

Sophia de Mello Breyner- Traduit du portugais par Joaquim Vital

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As Ilhas

I

Navegámos para Oriente ―


A longa costa


Era de um verde espesso e sonolento


Um verde imóvel sob o nenhum vento


Até à branca praia cor de rosas


Tocada pelas águas transparentes


Então surgiram as ilhas luminosas


De um azul tão puro e tão violento


Que excedia o fulgor do firmamento


Navegado por garças milagrosas


E extinguiram-se em nós memória e tempo

Sophia de Mello Breyner Andresen. As Ilhas (1977)