LES ÎLES
I
Nous naviguâmes vers l’Orient—
La longue côte
Était d'un vert épais et somnolent
Un vert immobile sous l'immobilité du vent
Jusqu'à la blanche page couleur de roses
Touchée par les eaux transparentes.
Alors surgirent les îles lumineuses
D'un bleu si pur si violent,
Qu'il dépassait l'éclat du firmament
Navigué par des grues miraculeuses
Et en où s’effacèrent la mémoire et le temps.
1977
II
Navigation abstraite
Tel un poisson tout droit le vol suit la route
Vue d'en haut la terre devint carte
Mais soudain
Nous traversons de l'Orient la grande porte
De saphirs bleus dans la mer brillante
1977
III
À la lumière du premier regard
Le matin illuminait le creux
D'absentes voiles quêtant ces parages.
Ils descendirent les ancres obscures
De ceux qui vinrent à la recherche
Du visage réel de toutes les figures
Et osèrent —aventure incroyable—
Vivre l'entièreté du possible.
1977
IV
Dolce color d'oriental zaffiro Dante--Puro canto
Ici perçut la naissance en fleur des îles,
Celui qui venant par la mer, descendit au Sud,
Et vers le Levant contourna le cap
Guidant la rainure des noires quilles
Et sous les hauts nuages blanches lyres
Les yeux virent vraiment
Le doux bleu d’Orient et de saphirs
1977
V
Là nous contemplâmes la véhémence du visible
L’apparition totale exposée en entier
Et ce dont nous n’avions même pas osé rêver
Était le vrai.
1977
Vi
Ils naviguaient sans la carte, qu'ils dressaient
(Laissant derrière eux complots et palabres
Sourdes intrigues de bordels et de cours)
Les hommes savants avaient conclu
Qu'il n'y avait que le déjà su :
Plus loin seulement le non navigable
Sous la clameur d'un soleil inhabitable
Écriture indéchiffrée de nouveaux astres
Dans le silence des zones nébuleuses
Tremblante la boussole tâtonnait des espaces
Puis surgirent les côtes lumineuses
Silences et palmeraies fraîcheur brûlante
Et l‘éclat du visible en pleine face
1979
VII
Difficile de savoir ta mort en face
De ne plus jamais t'attendre dans les miroirs de la brume
1979
Sophia de Mello Breyner- Traduit du portugais par Joaquim Vital
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As Ilhas
I
Navegámos para Oriente ―
A longa costa
Era de um verde espesso e sonolento
Um verde imóvel sob o nenhum vento
Até à branca praia cor de rosas
Tocada pelas águas transparentes
Então surgiram as ilhas luminosas
De um azul tão puro e tão violento
Que excedia o fulgor do firmamento
Navegado por garças milagrosas
E extinguiram-se em nós memória e tempo
Sophia de Mello Breyner Andresen. As Ilhas (1977)