Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Rimbaud rencontre avec Rimbaud : Larme

Larme

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,

Je buvais, accroupi dans quelque bruyère

Entourée de tendres bois de noisetiers,

Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.


Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,

Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.

Que tirais-je à la gourde de colocase ?

Quelque liqueur d’or, fade et qui fait suer.


Tel, j’eusse été mauvaise enseigne d’auberge.

Puis l’orage changea le ciel, jusqu’au soir.

Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,

Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.


L’eau des bois se perdait sur des sables vierges,

Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares…

Or ! tel qu’un pêcheur d’or ou de coquillages,

Dire que je n’ai pas eu souci de boire !

Mai 1872 ?

Autographe donné par Rimbaud à Forain (Recueil Messein). Reproduit dans le fac-similé Messein, 1919 (précision donnée page 1139 dans Oeuvre-vie Arthur Rimbaud, édition du centenaire établie par Alain Borer, édition arléa )