Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Jules Supervielle Rencontre avec Jules Supervielle : Prophétie

Écoutez Paul A. Nankin

Prophétie

Un jour la Terre ne sera

Qu'un aveugle espace qui tourne

Confondant la nuit et le jour.

Sous le ciel immense des Andes

Elle n'aura plus de montagnes,

Même pas un petit ravin.


De toutes les maisons du monde

Ne durera plus qu'un balcon

Et de l'humaine mappemonde

Une tristesse sans plafond

De feu l'Océan Atlantique

Un petit goût d'air salé dans l'air,

Un poisson volant et magique

Qui ne saura rien de la mer.


D'un coupé de mil-neuf-cent-cinq

(Les quatre roues et nul chemin!)

Trois jeunes filles de l'époque

Restées à l'état de vapeur

Regarderont par la portière

Pensant que Paris n'est pas loin

Et ne sentiront que l'odeur

Du ciel qui vous prend à la gorge


A la place de la forêt

Un chant d'oiseau s'élèvera

Que nul ne pourra situer,

Ni préférer, ni même entendre,

Sauf Dieu qui, lui, l'écoutera

Disant : « C'est un chardonneret ».

Jules Supervielle-Paru dans GRAVITATIONS. 1925