Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Rimbaud Rencontre Arthur Rimbaud : Fêtes de la faim

Fêtes de la faim

Écoutez Pablo Elcoq( chant et musique-au Théâtre Le Métis, Le Havre, septembre 2001

(Première version)

Ma faim, Anne, Anne,


Fuis sur ton âne.


Si j’ai du goût, ce n’est guère


Que pour la terre et les pierres.


Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! je pais l’air,


Le roc, les Terres, le fer.


Tournez, les faims ! paissez, faims,


Le pré des sons !


Puis l’humble et vibrant venin


Des liserons ;


Les cailloux qu’un pauvre brise,


Les vieilles pierres d’églises,


Les galets, fils des déluges,


Pains couchés aux vallées grises !


Mes faims, c’est les bouts d’air noir ;


L’azur sonneur ;


– C’est l’estomac qui me tire,


C’est le malheur.


Sur Terre ont paru les feuilles !


Je vais aux chairs de fruit blettes.


Au sein du sillon je cueille


La doucette et la violette.


Ma faim, Anne, Anne !


Fuis sur ton âne.


Entends comme brame

près des acacias

en avril la rame

viride du pois !


Dans sa vapeur nette,

vers Phoebé ! tu vois

s’agiter la tête

de saints d’autrefois…


Loin des claires meules

des caps, des beaux toits,

ces chers Anciens veulent

ce philtre sournois…


Or ni fériale

ni astrale ! n’est

la brume qu’exhale

ce nocturne effet


Néanmoins ils restent,

– Sicile, Allemagne,

dans ce brouillard triste

et blêmi, justement !

Rimbaud -Pages309-310 in Oeuvre-Vie,Édition du Centenaire,édition arléa

(Deuxième version)

Ma faim, Anne, Anne,


Fuis sur ton âne.


Si j’ai du goût, ce n’est guère


Que pour la terre et les pierres.


Dinn! dinn! dinn! dinn ! Mangeons l’air,


Le roc, les charbons, le fer.

Mes faims, tournez. Paissez, faims,


Le pré des sons !


Attirez le gai venin


Des liserons ;


Mangez


Les cailloux qu’un pauvre brise,


Les vieilles pierres d’église,


Les galets, fils des déluges,


Pains couchés aux vallées grises !


Mes faims, c’est les bouts d’air noir;


L’azur sonneur;


– C’est l’estomac qui me tire.


C’est le malheur.


Sur Terre ont paru les feuilles !


Je vais aux chairs de fruit blettes.


Au sein du sillon je cueille


La doucette et la violette.


Ma faim, Anne, Anne !


Fuis sur ton âne.


Août 1872.

Arthur Rimbaud