Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Érik Satie Rencontre avec Érik Satie : Mémoire d'un amnésique : Recoins de ma vie

« Mémoires d’un amnésique »

RECOINS DE MA VIE

L'origine des Satie remonte, peut-être, aux temps les plus reculés. Oui... Là-dessus, je ne puis rien affirmer — ni infirmer, du reste...

Cependant, je suppose que cette famille n'appartenait pas à la Noblesse (même du Pape) ; que ses membres étaient de bons et modestes corvéables à merci, ce qui, autrefois, était un honneur et un plaisir (pour le bon seigneur du corvéable, bien entendu). Oui…

Ce que firent les Satie lors de la Guerre de Cent ans, je l'ignore ; je n'ai, non plus, aucun renseignement sur leur attitude et sur la part qu'ils prirent à celle de Trente ans (une de nos plus belles guerres).

Que la mémoire de mes vieux ascendants repose en paix. Oui...

Passons. Je reviendrai sur ce sujet.


• Pour ce qui est de moi, je suis né à Honfleur (Calvados), arrondissement de Pont-l'Evêque, le 17 mai 1866... Me voici donc quinquagénaire, ce qui est un titre comme un autre.

Honfleur est une petite ville qu'arrosent ensemble — et de connivence — les flots poétiques de la Seine et ceux tumultueux de la Manche. Ses habitants (honfleurais) sont très polis et très aimables. Oui...

Je restai dans cette cité jusqu'à l'âge de douze ans (1878) et vins me fixer à Paris... J'eus une enfance et une adolescence quelconques — sans traits dignes d'être relatés dans de sérieux écrits. Aussi, n'en parlerai-je pas.

Passons. Je reviendrai sur ce sujet.


• Je grille d'envie de vous donner, ici, mon signalement (énumération de mes particularités physiques —  celles dont je puis honnêtement parler, évidemment) :... Cheveux et sourcils châtain foncé ; yeux gris (pommelés, probablement) ; front couvert ; nez long ; bouche moyenne ; menton large ; visage ovale. Taille : 1 mètre 67 centimètres.

Ce document signalétique date de 1887, époque où je fis mon volontariat au 33 e Régiment d'infanterie à Arras (Pas-de-Calais). Il ne pourrait me servir aujourd'hui.

Je regrette de ne pas vous montrer mes empreintes digitales (de doigt). Oui. Je ne les ai pas sur moi, et ces reproductions spéciales ne sont pas belles à voir (elles ressemblent à Vuillermoz et à Laloy réunis).

Passons. Je reviendrai sur ce sujet.


• Après une assez courte adolescence, je devins un jeune homme ordinairement potable, pas plus. C'est à ce moment de ma vie que je commençai à penser et à écrire musicalement. Oui.

Fâcheuse idée !... très fâcheuse idée !...

En effet, car je ne tardai pas à faire usage d'une originalité (originale) déplaisante, hors de propos, antifrançaise, contre nature, etc…

Alors, la vie fut pour moi tellement intenable, car je résolus de me retirer dans mes terres et de passer mes jours dans une tour d'ivoire — ou d'un autre métal (métallique).

C'est ainsi que je pris goût pour la misanthropie ; que je cultivai l'hypocondrie ; et que je fus le plus mélancolique (de plomb) des humains. Je faisais peine à voir — même avec un lorgnon en or contrôlé. Oui.

Et tout cela m'est advenu par la faute de la Musique. Cet art m'a fait plus de mal que de bien, lui : il m'a brouillé avec nombre de gens de qualité, fort honorables, plus que distingués, très « comme il faut ».

Passons. Je reviendrai sur ce sujet.


• Personnellement, je ne suis ni bon ni mauvais. J'oscille, puis-je dire. Aussi, n'ai-je jamais fait réellement de mal à quiconque — ni de bien, au surplus.

Toutefois, j'ai beaucoup d'ennemis — de fidèles ennemis, naturellement. Pourquoi ? Cela tient à ce que, pour la plupart, ils ne me connaissent pas — ou ne me connaissent que de seconde main, par ouï-dire (des mensonges plus que menteurs), en somme.

L'homme ne peut être parfait. Je ne leur en veux nullement : ils sont les premières victimes de leur inconscience et de leur manque de perspicacité... Pauvres gens !...

Ainsi, les plains-je.

Passons. Je reviendrai sur ce sujet.