Association Encrier - Poésies

Rencontre avec André Breton Rencontre avec André Breton : Tournesol

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Écoutez Vincent Meillon, Frank Bessard, Mikael Lecoq

Tournesol

À Pierre Reverdy

La voyageuse qui traverse les Halles à la tombée de l'été

Marchait sur la pointe des pieds

Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux

Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels

Que seule a respirés la marraine de Dieu

Les torpeurs se déployaient comme la buée

Au Chien qui fume

Où venaient d'entrer le pour et le contre

La jeune femme ne pouvait être vue d'eux que mal et de biais

Avais-je affaire à l'ambassadrice du salpêtre

Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée

Le bal des innocents battait son plein

Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers

La dame sans ombre s'agenouilla sur le Pont-au-Change

Rue Git-le-Coeur les timbres n'étaient plus les mêmes

Les promesses de nuits étaient enfin tenues

Les pigeons voyageurs les baisers de secours

Se joignaient aux seins de la belle inconnue

Dardés sous le crêpe des significations parfaites

Une ferme prospérait en plein Paris

Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée

Mais personne ne l'habitait encore à cause des survenants

Des survenants qu'on sait plus dévoués que les revenants

Les uns comme cette femme ont l'air de nager

Et dans l'amour il entre un peu de leur substance

Elle les intériorise

Je ne suis le jouet d'aucune puissance sensorielle

Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendres

Un soir près de la statue d'Etienne Marcel

M'a jeté un coup d'oeil d'intelligence

André Breton a-t-il dit passe

André Breton-Clair de terre-1923

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Commentaire trouvé sur le site Les vrais voyageurs : http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/03/09/andre-breton/

Le 29 mai 1934, au café Cyrano, place Blanche, André Breton est ébloui par une femme. Il la trouve «scandaleusement belle» et l’attend à la porte du café. Quand elle sort, il l’aborde. Elle lui donne rendez-vous à minuit, après son spectacle. Elle est danseuse dans un ballet aquatique au Coliseum, une ancienne piscine transformée en music-hall au 65 boulevard Rochechouart, Paris IXe. Toute la nuit, ils se promènent de Pigalle à la rue Gît-le-Cœur en passant par le quartier des Halles et la Tour Saint-Jacques. Plus tard, Breton se rappelle le poème Tournesol qu’il a écrit en 1923. Les coïncidences sont telles qu’il est convaincu de sa valeur prémonitoire. Jacqueline Lamba lui apparaît comme «la toute-puissante ordonnatrice de la nuit du tournesol» La rencontre s’est produite dans des conditions si troublantes que Breton a longtemps hésité à les rendre publiques. Il la raconte une première fois dans La Nuit du tournesol, dans la revue Minotaure n° 7 de juin 1935, puis dans le quatrième chapitre de L’Amour fou en 1937.

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Jacqueline Lamba, “ballerine aquatique” au cabaret du Coliseum (Rogi André 1900-1970)