Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Apollinaire Rencontre avec Apollinaire : La chanson du Mal-Aimé III

Écoutez Jean Negroni

Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses


Les démons du hasard selon

Le chant du firmament nous mènent

A sons perdus leurs violons

Font danser notre race humaine

Sur la descente à reculons


Destins destins impénétrables

Rois secoués par la folie

Et ces grelottantes étoiles

De fausses femmes dans vos lits

Aux déserts que l'histoire accable


Luitpold le vieux prince régent

Tuteur de deux royautés folles

Sanglote-t-il en y songeant

Quand vacillent les lucioles

Mouches dorées de la Saint-Jean


Près d'un château sans châtelaine

La barque aux barcarols chantants

Sur un lac blanc et sous l'haleine

Des vents qui tremblent au printemps

Voguait cygne mourant sirène


Un jour le roi dans l'eau d'argent

Se noya puis la bouche ouverte

Il s'en revint en surnageant

Sur la rive dormir inerte

Face tournée au ciel changeant


Juin ton soleil ardente lyre

Brûle mes doigts endoloris

Triste et mélodieux délire

J'erre à travers mon beau Paris

Sans avoir le coeur d'y mourir


Les dimanches s'y éternisent

Et les orgues de Barbarie

Y sanglotent dans les cours grises

Les fleurs aux balcons de Paris

Penchent comme la tour de Pise


Soirs de Paris ivres du gin

Flambant de l'électricité

Les tramways feux verts sur l'échine

Musiquent au long des portées

De rails leur folie de machines


Les cafés gonflés de fumée

Crient tout l'amour de leurs tziganes

De tous leurs siphons enrhumés

De leurz garçons vêtus d'un pagne

Vers toi toi que j'ai tant aimée


Moi qui sais des lais pour les reines

Les complaintes de mes années

Des hymnes d'esclave aux murènes

La romance du mal aimé

Et des chansons pour les sirènes