Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Blaise Cendrars Rencontre avec Blaise Cendrars (1er septembre 1887 – 21 janvier 1961) : Tu es plus belle que le ciel et la mer

Écoutez Jacques Doyen

Tu es plus belle que le ciel et la mer

Quand tu aimes il faut partir

Quitte ta femme quitte ton enfant

Quitte ton ami quitte ton amie

Quitte ton amante quitte ton amant

Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses

Des femmes des hommes des hommes des femmes

Regarde les beaux magasins

Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre

Et toutes les belles marchandises  II y a l’air il y a le vent

Les montagnes l’eau le ciel la terre

Les enfants les animaux

Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre

Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir

Chanter courir manger boire

Siffler

Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir

Ne larmoie pas en souriant

Ne te niche pas entre deux seins

Respire marche pars va-t’en

Je prends mon bain et je regarde

Je vois la bouche que je connais

La main la jambe l’œil

Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là

La vie pleine de choses surprenantes

Je sors de la pharmacie

Je descends juste de la bascule

Je pèse mes 80 kilos

Je t’aime

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Commentaire trouvé sur le site :ICI

"C’est probablement le plus beau, mais aussi le plus mystique des poèmes de Blaise Cendrars sur lequel je voulais m’arrêter aujourd’hui. Étrange aussi dans les sens divers que couvre Tu es plus belle que le ciel et la mer, interprété et aussi exploité à envie, le poème inaugure presque les lettres océanes, rythmé parfois en hémistiches presque sévères. Il écrit en fait à celle qu’il aime, Raymonde Duchâteu, et qu’il épousera longtemps plus tard. « Quand tu aimes, il faut partir… » Mais à quel périple nous exhorte le « manchot suisse » ? A celui qui le menait alors au Brésil, à celui de la vie ? Sûrement convient-il de lire au deuxième degré ce voyage, intense, complet, intégral, nécessitant autant de radicalité, à la manière du meurs et deviens de Goethe.

Invitation à vivre pleinement ce voyage qu’est notre vie, où le poème s’achève par l’évidence d’un je t’aime qui justifie la plénitude de l’action, de la route à prendre et la quiétude qu’en ressent l’auteur. Blaise Cendrars n’est pas dans la rupture, il est dans la cohérence de sa vie, du mouvement, du voyage qu’on entreprend tous et de l’amour enfin."