Écoutez Jacques Doyen
Tu es plus belle que le ciel et la mer
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises  II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t’aime
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Commentaire trouvé sur le site :ICI
"C’est probablement le plus beau, mais aussi le plus mystique des poèmes de Blaise Cendrars sur lequel je voulais m’arrêter aujourd’hui. Étrange aussi dans les sens divers que couvre Tu es plus belle que le ciel et la mer, interprété et aussi exploité à envie, le poème inaugure presque les lettres océanes, rythmé parfois en hémistiches presque sévères. Il écrit en fait à celle qu’il aime, Raymonde Duchâteu, et qu’il épousera longtemps plus tard. « Quand tu aimes, il faut partir… » Mais à quel périple nous exhorte le « manchot suisse » ? A celui qui le menait alors au Brésil, à celui de la vie ? Sûrement convient-il de lire au deuxième degré ce voyage, intense, complet, intégral, nécessitant autant de radicalité, à la manière du meurs et deviens de Goethe.
Invitation à vivre pleinement ce voyage qu’est notre vie, où le poème s’achève par l’évidence d’un je t’aime qui justifie la plénitude de l’action, de la route à prendre et la quiétude qu’en ressent l’auteur. Blaise Cendrars n’est pas dans la rupture, il est dans la cohérence de sa vie, du mouvement, du voyage qu’on entreprend tous et de l’amour enfin."