Nous avons bu tant de rosées
En échange de notre sang
Que la terre cent fois brûlée
Nous sait bon gré d'être vivants
Au bout de la nuit un seuil éclairé
Nous attire encore vers son doux mystère
Les grillons chantent l'éternel été
Quelque part la vie vécue reste entière
La vague vient en fidèle chienne
Lécher tes pieds de sa langue amère
Flairant soudain la peur millénaire
longuement elle aboie dans tes veines
Toute la neige à toi seul
Prunus perçant la blancheur
Toute la terre à toi seul
Et le sang jailli du coeur
Le peintre Francis Herth accompagne de merveilleux moutonnements,où la vie s'ennuage et se dégage, le cheminement spirituel et cosmique de François Cheng"
(Texte de Daniel Leeuwers-page 23 du livre "Livre pauvre/Livre riche" édité en 2006 chez Somogy)
Dans son livre : "Une longue route pour m'unir au chant français", publié en 2022 chez Albin Michel, François Cheng précise que le quatrain :
Nous avons bu tant de rosées
En échange de notre sang
Que la terre cent fois brûlée
Nous sait bon gré d'être vivants
constitue son premier poème français, composé en 1959.
(J'ai découvert un jour ce quatrain, affiché dans un métro parisien .)
François Cheng, page 180 de son livre Une longue route pour m'unir au chant français (Albin Michel-2022) donne les informations suivantes :
"Le quatrain, qui occupe une place si primordiale dans ma création, est une forme universelle, dans toutes les traditions poétiques, il constitue « minimum complet », apte à restituer une pensée, une vision, avec sa dialectique, interne;
La poésie chinoise classiqua honoré le quatrain appelé jue-ju, « vers tranchés » en raison de sa brièveté et de la perspective abrupte, inattendue qu’il ouvre. Toute une rhétorique le conçoit comme une dramaturgie en quatre temps : un exorde, un développement., un. tournant ou une montée, une nouvelle ouverture.. C'est bien dans cette démarche que se situent tous mes poèmes d'Enfin le royaume".