À un mort précoce
Ô l'ange noir qui tout bas sortit du cœur de l'arbre,
Lorsque le soir, doux compagnons nous jouions
Au bord de la fontaine bleuâtre.
Calme était notre pas, les yeux ronds dans la brune fraîcheur de l'automne,
Ô douceur pourpre des étoiles.
———————————————————
Mais celui-là descendit les degrés de pierre du Mönchsberg,
Un sourire bleu sur sa face, étrangement enfoui
Dans le cocon de son enfance plus paisible, puis mourut ;
Et le jardin garda la face d'argent de l'ami,
Guettant dans le feuillage ou dans les vieilles pierres.
——————————————————
L'âme chanta la mort, la verte dissolution de la chair
Et c'était le bruissement de la forêt,
La plainte fervente du gibier.
Toujours aux tours crépusculaires sonnaient les cloches bleues du soir.
—————————————————
Vint l'heure où celui-là vit les ombres au soleil pourpre,
Les ombres de la pourriture dans le branchage nu ;
Soir, lors qu'au mur crépusculaire chantait le merle
Et que l'esprit du jeune mort paisible apparut dans la chambre.
———————————————————
Ô sang qui sourd de la gorge de celui qui tinte,
Fleur bleue ; ô la lame de feu
Versée à la nuit.
—————————————————
Nuage d'or, temps. Dans la chambre solitaire
Tu invites souvent la mort
Et sous les ormes tu descends en un dialogue intime le long de la rivière verte.
——————
Georg Trakl - Poèmes majeurs -Traduction par Jacques Legrand - Aubier, 1993