Bach en automne
II
J’ai connu jadis les jours de marche, les ormes vers le soir énumérés
De borne à borne sous le soleil chromatique,
L’auberge à la nuit où fument quenelles de foie et cochon frais.
Jadis à libres journées j’ai marché jusqu’à Hambourg écouter le vieux maître.
Haendel en chaise de poste s’en est allé
Distraire le roi de Hanovre ; Scarlatti vagabonde dans les fêtes d’Espagne.
Ils sont heureux.
Mais à quoi serviraient les pédales des orgues, sinon
À signifier la route indispensable ?
Sur ce chemin de bois, usé comme un escalier, chaque jour, que ce fût
Sous les trompettes de Pâques ou les hautbois jumeaux de Noël,
Sous l’arc-en-ciel des voix d’anges et d’âmes,
De borne à borne répétant mon terrestre voyage, j’ai arpenté
La progression fondamentale de la basse.
Au-dessus de la route horizontale par où les négociants partent non sans péril
Marchander aux échoppes de Cracovie
les perruques, les parfums, les peaux apportées des éventaires de Novgorod,
Seule l’alouette s’élance dans la verticale divine.
Avant qu’à la suite de son Soleil
Hors de la tombe, de l’ordre, de la loi, l’âme éployée ne parvienne à jaillir.
La terre apprise avec effort est nécessaire.
Jean Paul de Dadelsen, Bach en automne, in Jonas suivi de Les Ponts de Budapest et autres poèmes ; présenté par Henri Thomas et Denis de Rougemont. Édition des Ponts de Budapest et autres poèmes par Baptiste-Marrey , Collection Poésie/Gallimard N° 405, 2005, p. 25.
Commentaires 1
Merci de votre publication : merveille de ce texte ....entre noir de feuillées et le perpétuel de la lumière.....