Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Juan Gelman Rencontre avec Juan Gelman (1930-2014): Commentaire XVII

commentaire XVII

tout en haut d'une branche / haute sur la branche /


brille une fleur / abandonnée ? Jamais


atteinte ? / seule / triste ? / une fleur


haute sur la branche brille


comme appel ou gloire / souvenir /


de toi / tendresse flamme


où crépitent les exils / feu qui


illumine tes visages /




petits jours où tu voles comme noms


de toi / haute sur la branche


abandonnée ? / jamais atteinte ? /


brilles-tu ? / brûles-tu ? / dis-tu mon nom ?

In L'Opération d'amour, commentaires, © Gallimard 2006, traduit par Jacques Ancet, p.44

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Juan Gelman (1930-2014), né en Argentine, s’est exilé en 1975 , "menacé de mort ,un peu avant que la dictature ne s'installe , de 1976 à 1982. Les militaires argentins séquestrerons ses deux fils . Son fils Ariel ne reparaîtra pas et c'est seulement après douze ans de recherche que le poète finira par retrouver sa petite-fille âgée de 23 ans ,née en prison ,enlevée à sa mère clandestinement "adoptée en toute impunitépar les familles des militaires ou de leurs proches et donc coupée de toutes ses racines."(page 8 de la préface deJacques Ancet)

Julio Cortazar écrit en 1981 à son propos dans Contre les toiles d'araignée de l'habitude: »Chez cet homme dont on a décimé la famille , qui a vu mourir ou disparaître ses amis les plus chers , nul n’a pu tuer la volonté de dépasser cette somme d’horreurs en un choc en retour affirmatif et créateur de vie nouvelle. Peut-être le plus admirable de sa poésie est-il cette presque inconcevable tendresse, là où serait beaucoup plus justifié le paroxysme du refus et de la dénonciation, cette invocation à tant d'ombres venue d'une voix qui apaise et soulage, une incessante caresse de mots sur des tombes inconnues. »page 364 dans l'édition chez Gallimard-Poésie de Vers le Sud (2014)

Son traducteur Jacques Ancet écrit :  « Pour que ce grand poète qu'est Juan Gelman nous soit un peu mieux révélé dans toute sa nature : celle d'un homme qui, face aux atrocités et aux désespoirs de la vie a su résister non par la haine, la rancœur ou la soif de vengeance, mais par l'amour, la beauté, l'enfance. Et par la poésie qui les réunit tous. Une poésie qui, dans le bouleversement et l'intensité qui sont les siens, est un acte de vie interminablement jeté à la face de la mort. »

(J’ai trouvé ces citations sur le site « La pierre et le sel » : ICI )