Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Maurice Blanchard (1890-1960) Rencontre avec Maurice Blanchard(1890-1960) : Les barricades mystérieuses(1937)

Les barricades mystérieuses(1937)

Des ossements barraient le chemin. Tant pis ! me disais-je, puisqu’aussi bien l'enterré vivant germera, tant pis pour les ossements ! Je me suis tordu un peu les pieds, j'ai juré des sacrés noms de dieux mais j'ai fait une bonne traversée quand même . Ohé ! la bonne traversée ! Ohé ! la mère immense de l’existence ! Ohé! le coup de sifflet en échelle double pour le salut aux morts !

Elle était clapoteuse, la mer immense de l’existence.

Dans ma vie profonde, dans ma vie de vache, je vois une barrière aussi haute que mon mufle. Et je pose ma bonne gueule de vache sur la barrière. Et la barrière me chatouille les côtes. Et la barrière me fait rire. Alors je lèche ma barrière avec ma bonne grosse langue de vache.

Dans la nuit tunisienne, je nomme les constellations, les étoiles saluaires et celles qui ne le sont pas, Cassiopée , Alpha du Scorpion je donne des noms à celles que je ne connais pas, Poincaré le jeune Scipion ou Félix Faure le grand Pompée, les marguerites de la nuit bleue, nous les frères de la mer clapoteuse, nous braillons de flamboyantes imbécillités, nous ramenons le capitaine saoul comme un cochon.

Au soir d'une journée talocheuse, Cupidon s’élança dans son sommeil en criant: « Je vais être heureux ! je vais m'évanouir pour l'éternité ! »

Et l'éternité s’élança dans le soleil en annonçant : « Je viens passer un petit moment . »

Mais le soleil sauta dans l'œil du général. Et c'était le soir de la bataille. Et le général guidait la victoire d'une main ferme . Oh ! l'affreuse journée !

Écoutez les Barricades mystérieuses de François Couperin par Joachim Son-Forget