Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Maurice Blanchard (1890-1960) Rencontre avec Maurice Blanchard(1890-1960) : Tous les vivants

Tous les vivants

Tous les vivants ont l’âge du monde. Le vieillard livre à l’enfant les clés de la ville, que cela lui plaise ou non. Les revenants n’y comprennent plus rien, ils sont fixés, papillons bleus de la Guyane, papillons bleus de la nuit.

Tous les vivants rompent les faisceaux quand l'aube luit. Tous les rêves ficelés, tous les rêves entassés, linges inutiles, à coups de bottes joignez votre ombre et votre honte ! Les genoux pèsent sur les poitrines. L’ordre doit régner. Les clairons sonnent la diane quand la lune disparaît.

Tous les vivants chantent l’avenir. Pour apaiser les mondes morts. Pour apaiser les horreurs naissantes. Pour des mots qui enivrent, venus on ne sait d’où, de quels terribles déclenchements et qui font heurter les peuples en rivières de murmures, en rivières de blessures, paquets de chaînes, lambeaux d’amour;

Tous les vivants fuient la maison natale. Les chevrons pourrissent, les parquets se disjoignent en reliefs géographiques pour jouer au soldat, les fenêtres battent comme des voiles quand on vire mal, quand on manque la passe bienheureuse. La racine pousse son couvercle, le vieux prunier renaît dans le cuivre des lampes, la chute des grands pans dans l’eau du lac .

Tous les vivants s’assagissent quand leurs os se durcissent. Tous les vivants gémissent par d’irraisonnés rapports, mensonges glauques de causes et d’effets, petits cuicuis de volières, chènevis des tombeaux.Tous les vivants s’épuisent, suprême extension de leurs pattes, visent leur dernier sommeil au plus haut des perchoirs, bergers des sculptures.