La mort et le vagabond
Jours de colère ! Jours d'innocence !
Que d'amertume secrète,
que de lourds fardeaux sans relève !
Naissance du poème, berceau de notre existence ! et
son éclosion à travers tous les obstacles.
Ô ! se débarrasser de soi-même
ne fut-ce qu'un instant !
Celui qui naquit dans un monde hostile
vivra et mourra dans un monde hostile
Jours de colère ! Jours d'innocence !
l'état de gestation est le seul qui ne cesse de nous
rattacher à la vie,
et c'est la naissance du poème et son éclosion à travers
tous les obstacles
Que faire ? creuser le roc jusqu'à l'écrasement inévitable ? ô la vie !
Quelle effroyable chose !
Combien instable et folle, et indigne du ciel bleu !
Infâme, sauvage, la guerre est dans nos murs, dans notre sang, dans nos doigts, dans nos yeux .
Et encore, vous gravez vos meurtres sur les pierres volcaniques et calmées pour l’Éternité.
Assez ! Assez ! et laissez-nous dormir en paix pour toujours !
Dans la chambre, avec mes souvenirs
douloureux, mourir sous un brillant soleil d’hiver,
mourir sur l'épaule de ma compagne dont les yeux
humides et brillants se ferment lentement avec une
très grande douceur sur les rêves inachevés et
enfouis pour toujours.
Adieu ! mon dernier ami !
que la terre vous soit légère et douce ,
douce de la douceur des larmes de l'amour perdu et retrouvé.
Maurice Blanchard - La mort et le vagabond in Les barricades mystérieuses-p.171-172-Poésie/Gallimard