Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Maurice Blanchard (1890-1960) Rencontre avec Maurice Blanchard : le sacre du printemps

Le sacre du printemps

Hors du nid, l'oiseau fut un homme. Le soleil jetait son sperme à travers les arbres, la terre illuminait les cieux moisis les yeux enfouis dans toutes les chevelures. Par les harpons, par les racines raccrocheuses, la forêt lacérait les Chilpéric et les Clodomir. Des lambeaux de chair souffrante flottaient au vent chaud des azotes et des superphosphates. Par longues flammes, les jeunes loups dévoraient les sources craquantes, les sources avides de fièvres et de gosiers . Les jeunes filles rêvaient de s'épanouir dans les cruches mordorées. Des doigts impatients faisaient sauter les bourgeons comme des billes, faisaient sauter les humides bourgeons des jeunes filles.

Le vent d'ouest se reposa à un instant sur la colline.

Ayant mangé un morceau de sa destinée, il dressa dans l'azur son doigt mouillé pour attirer le vent du nord, son frère, le vent des bécassines et des poules.d’eau. Il se leva, ayant jeté son manteau métallique sur les vents sommeilleux, ses frères .

En route vers les bonheurs enragés ! En route vers les sorcelleries impitoyables, les plumeaux d’aurore au bord des solitudes, le sacrifice de la plus belle, le sacrifice de nos désirs. Dans les cœurs les mains de pierre du sacrificateur.

Le vent d'ouest glissait dans les rues transparentes et les glaces des grands magasins réfléchissaient à droite, son profil impétueux, à gauche, l'aile noire de son chapeau, flottille de langueurs et de molles musiques. Sur des épaules vibrantes de sève flottaient des têtes molles renversées yeux bouches matrices ouverts en abîme, l'azur entrait en armées triomphantes, l’azur se précipitait en cataractes de métal dans les flancs élastiques. Aiguilles des heures, les pieds quittaent insensiblement le sol tandis que le vent d'ouest s’avançait sous les palmes et saluait silencieusement.

MAURICE BLANCHARD in C'est la fête et vous n'en savez rien