Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Irène Aïtoff Rencontre avec Maurice Donnay (1859-1945) : Le jeune homme triste

Écoutez Iràne Aïtoff

LE JEUNE HOMME TRISTE (ADOLPHE)

  Il était laid et maigrelet

Ayant sucé le maigre lait

D’une nourrice pessimiste

Et c’était un nourrisson triste.


  Au lycée il suivit des cours

Et fut aussi fort en discours

Latin que subtil helléniste ;

Mais c’était un élève triste.


  Pour mieux passer ses examens,

Il se refusait aux hymens

Que conseille l’hygiéniste,

C’était un étudiant triste.


  Faisant de l’amour un solo,

Il s’amusait comme Charlot,

C’était un de nos bons solistes,

Mais toujours triste, ah, combien triste !


  Il fut reçu docteur en droit,

N’ayant jamais, à ce qu’on croit,

Connu la fleur ni la fleuriste,

Et je ne sais rien de plus triste.


  Et quand il voulut, un beau jour,

Mordre à la pomme de l’amour,

Il tomba sur une modiste,

Qui le trouva tellement triste


  Qu’elle le trompa sur-le-champ

Avec un professeur de chant

Qui possédait le genre artiste ;

Alors il fut beaucoup plus triste.


  La politique le hanta,

Le boulangisme le tenta,

Puis il se fit opportuniste ;

Mais il était toujours très triste.


  Comme il ne s’y trouvait pas bien,

Sa devise fut : « Tout ou rien. »

Il devint donc toutourieniste ;

Mais il était toujours très triste.


  Un ministre étant son ami,

Du côté du manche il se mit :

On le vit devenir manchiste ;

Mais il était toujours très triste.


  Le ministre ayant fait un bond,

Alors il se dit : « À quoi bon ? »

Mais pour être un aquaboniste.

Hélas ! il n’en fut pas moins triste.


  Et quelque chose qu’il tentât

Dans l’Art, dans l’Amour, dans l’État,

Il était quelque chose en iste,

De triste, triste, triste, triste !


  Quand il mourut d’un eczéma ,

Il exigea qu’on le crémât,

Et , sur son urne , un symboliste

Écrivit ces mots : « Il fut triste. »

Maurice Donnay -Autour du Chat-Noir (B.Grasset ,édit.)

Commentaires 5

  • André Gordeaux

    Que c'est triste que personne n'ai l'air de connaitre Maurice Donnay ! Raymond Girard mon professeur de diction, je ne sais pourquoi m'avait donné a travailler "le jeune homme triste" ! j'ai compris pourquoi a la première lecture !

    André Gordeaux

  • alph

    Merci pour votre visite .

    Dans "Un siècle d’humour français" ,anthologie faite sous la direction de Jacques Sternberg avec la collaboration de Pierre Labracherie , Romi et Henry Muller,(éditieur Les productions de Paris 1960) je trouve ces deux phrases de Maurice Donnay :

    — Lorsque ma femme me fait un cadeau , j’éprouve deux surprises: d’abord le cadeau , et ensuite de le payer !

    "Il y a toujours un de deux qui aime plus que l’autre , et c’est celui-là qui souffre …
    —Oui , mais c’est l’autre qui s’ennuie! »

    Et dans la présentation de Maurice Donnay , il est précisé ,page 112 de Un siècle d’humour :

    Il ne faut surtout pas confondre Maurice Donnay avec Maurice Donnay . Qu’il y ait , en effet , deux Maurice Donnay donnés en un seul Donnay , il serait difficile d’en douter .

    L’un d’eux fut membre de l’Académie française, signa de nombreuses pièces de théâtre, mousseuses et superficielles , donc très parisiennes, et fut certainement aux alentours de 1900 , l’auteur dramatique le plus apprécié .

    L’autre fut un des piliers du « Chat Noir » et , sans se départir de son esprit plus pétillant que virulent , sans abandonner sa plume trop chatoyante pour être d’attaque , signa néanmoins quelques fantaisies en ut mineur qui méritent un coup d’oeil au passage .

    De formation scientifique , Donnay avait préparé dans les règles , mais en pure perte , une carrière d’ingénieur civil

    alph

  • g2nim

    Ah ! Raymond-Girard... il faisait travailler aussi "L'aimable voleur" de Gustave Nadaud ou "La ballade de Chalclintlicuc"...

    g2nim

  • encrier

    Voilà le texte loufoque dont vous parlez (articulez , que diable):
    La ballade de Chalclintlicuc (est-ce un texte du Canadien Yves Sauvageau in WOUF WOUF ou d'Alexandre Guinle pour les cours deRaymond Girard ?)

    De Pernambouc au Potomac
    L'antique Inca lègue aux métèques
    Sa brocante et son bric-à-brac
    En vrac avecque ses pastèques.
    Maintes statues en toc d'Aztèques
    Maints masques de caciques en stuc
    Sculptés en stock pour Glyptothèque
    Au temps du grand Chalclintlicuc
    —————————————————
    Lequel n'ayant fait qu'un micmac
    Du sachem des cercopithèques
    Sur mille écorces de sumac
    Dénombra ses pinacothèques
    Puis fit par septante archevêques
    Translater en copte Habacuc
    D'apres les palimpsestes tchèques
    Au temps du grand Chalclintlicuc
    ————————————————
    Mais ce fut sous Manco Capac
    Qu'osques, kiosques Étrusques Eques
    Suivis de menhirs de Carnac
    Qui se repaissaient de biftèques
    Jetèrent chez les Yucathèques
    L'immense aqueduc du trou d'Uk
    Sur les monts Chiquikicathèques
    Au temps du Grand Chalclintlicuc
    —————————————
    Prince, Les anthropopithèques
    N'ont rien bâti qui fût caduque
    On conservait les hypothèques
    Au temps du grand Chalclintlicuc

    (Sur You*ube Danièle LeBlanc l'articule très bien ...)

    Voilà le lien : https://www.youtube.com/watch?v=f46EGESQBn4

    encrier

  • André Gordeaux

    Merci a ALPH peut être en Oméga de préciser qu'il y avait deux Donnay Maurice : "Il ne faut surtout pas confondre Maurice Donnay avec Maurice Donnay . Qu’il y ait , en effet , deux Maurice Donnay donnés en un seul Donnay , il serait difficile d’en douter .
    L’un d’eux fut membre de l’Académie française, signa de nombreuses pièces de théâtre, mousseuses et superficielles , donc très parisiennes, et fut certainement aux alentours de 1900 , l’auteur dramatique le plus apprécié . Mon pére Paul Gordeaux 1891-1974 Homme de Lettre Critique dramatique académicien co président de l'académie de l'humour avec son ami Marcel Achard ne me l'avait pas précisé encore merci...
    L’autre fut un des piliers du " Chat Noir "

    André Gordeaux