Écoutez Mouloudji
Un jour , quand j’étais petit , on jouait à cache-cache avec des camarades —ça se passait dans une cour— et je ne savais absolument pas où aller —j’étais affolé — j’avais vraiment épuisé toutes les cachettes et j’étais là à courir éperdu . Et puis alors il y avait des dames qui tricotaient — il y avait énormément de tricoteuses dans cette cour — et elle me dit , il y en a une qui se lève et qui me dit : " Viens ici petit " .
Puis elle soulève sa jupe , elle écarte les jambes et elle me dit : " Allez , cache toi là-dessous" Et hop ; elle m’embastille .
Oh et puis là-dessus , je me demandais ce qui m’arrivait ;
et puis j’étais affolé quand même c’est curieux , c’est la première fois qu’une chose pareille m’arrivait
et ça m’a laissé une impression formidable et alors vingt ans après , eh bien, je m’en suis souvenu
et je me suis rappelé de ce jeu de cache-cache :
Vous êtes-vous caché
Un jour de cache-cache
Sous la jupe lâche,
Quoique intimidé,
Dans l'intimité
D'une dame ombrelle
Aux senteurs si blêmes
Stridentes de douceur
L'avez-vous rêvé ?
Ce doux goût de peur
Couleur de péché,
Était-ce inventé ?
Sous la jupe folle,
Vous flairiez la chair
De Dame prison
Elle, dans son émoi
Ouvrait de plus belle
Ses ciseaux femelles
En prison de joie,
Vous étiez ému
Sous la chère ombrelle
Un soleil diffus
Éclairait tout bas
La tendre Bastille
Vous, les yeux béats
La tête levée
Au ciel albinos,
Vous suiviez le vol
D'un corbeau velu
Entre chair et rose
Des cuisses joufflues
Et du pantalon
Comme un rêve glauque.