Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Nicolas Bouvier Rencontre avec Nicolas Bouvier : La dernière douane

La dernière douane

Depuis que le silence

n’est plus le père de la musique

depuis que la parole a fini d’avouer

qu’elle ne nous conduit qu’au silence

les gouttières pleurent

il fait noir et il pleut


Dans l’oubli des noms et des souvenirs

il reste quelque chose à dire

entre cette pluie et Celle qu’on attend

entre le sarcasme et le testament

entre les trois coups de l’horloge

et les deux battements du sang


Mais par où commencer

depuis que le midi du pré

refuse de dire pourquoi

nous ne comprenons la simplicité

que quand le cœur se brise

Genève, avril 1983

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C’est grâce à Holan, autant qu’à Michaux, que j’ai compris que certaines visites que la vie nous rend sont si mystérieuses qu’elles doivent prendre la forme d’un poème, que la prose la plus éclatante ne rendrait justice ni à leur transparence ni à leur opacité qui sont forcément voisines puisque nous ne comprenons pas la transparence mais pouvons seulement la flairer comme un limier flaire un gibier dont il sait qu’il n’est pas pour lui. Ce sont eux qui m’ont, sur le tard, conduit à écrire des poèmes, non par ambition littéraire, mais pour survivre et mieux vivre, sachant, à travers eux, que la poésie est le seul antidote contre la solitude et la mort.

( Nicolas Bouvier, œuvres complètes p. 885) et dans Le dehors et le dedans, page 96 (éd.ZOE,1997)