Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Pablo Neruda Rencontre avec Pablo Neruda : Les hauteurs du Macchu Picchu- Chant XI (traduction de Roger Caillois)

Écoutez

Chant XI

A través del confuso esplendor,

a través de la noche de piedra, déjame hundir la mano

y deja que en mí palpite, como un ave mil años prisionera

el viejo corazón del olvidado!

Déjame olvidar hoy esta dicha, que es más ancha que el mar,

porque el hombre es más ancho que el mar y que sus islas,

y hay que caer en él como en un pozo para salir del fondo

con un ramo de aguas secretas y de verdades sumergidas.

Déjame olvidar, ancha piedra, la proporción poderosa,

la trascendente movida, las piedras del panal,

y de la escuadra déjame hoy resbalar

la mano sobre la hipotenusa de áspera sangre y silicio.

Cuando, como una herradura de élitros rojos, el cóndor furibundo

me golpea las sienes en el orden del vuelo

y el huracán de plumas carniceras barre el polvo sombrío

de las escalinatas diagonales, no veo la bestia veloz,

no veo el ciego ciclo de sus barras,

veo el antiguo ser, servidor, el dormido

en los campos, veo el cuerpo, mil cuerpos, un hombre, mil mujeres,

bajo la racha negra, negros de lluvia y noches,

con la piedra pesada de la estatua:


Juan Cortapiedras, hijo de Wiracocha,

Juan Comefrío, hijo de estrella verde,

Juan Piesdescalzos, nieto de la turquesa,


sube a nacer conmigo, hermano.

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Écoutez ce chant XI en français


XI

A travers la confuse splendeur

A travers la nuit de pierre , laisse-moi plonger la main

Et laisse palpiter en moi comme un oiseau mille ans prisonnier

Le vieux coeur de l’oublié !

Laisse-moi oublier aujourd’hui ce bonheur plus ample que la mer .

Car l’homme est plus vaste que la mer avec ses îles ,

Et il faut tomber en lui comme en un puits pour rejaillir du fond

Avec un bouquet d’eau secrète et de vérités englouties .

Laisse-moi oublier , large pierre , la proportion puissante ,

La mesure transcendante , les pierres de la ruche ,

Et le long de l’équerre , laisse-moi glisser

La main sur l’âpre hypoténuse du sang et du cilice .

Quand le condor furieux , comme un fer à cheval aux élytres rouges ,

Me frappe les tempes dans sa ligne de vol

Et quand l’ouragan , de ses plumes de carnassier , balaie la sombre poussière

Des perrons obliques , je ne vois pas la bête rapide ,

Je ne vois pas le cercle aveugle de ses griffes ,

Je vois l’être antique , le serviteur , l’endormi

Dans les champs , je vois un corps , mille corps , un homme , mille femmes ,

Sous la rafale noire , noirs de pluie et de nuit ,

Avec la lourde pierre de la statue .

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Jean Brisecaillou , fils de Wiracocha ,

Jean Mangefroid , fils d’étoile verte ,

Jean Piedsnus , petit-fils de la turquoise :

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Monte , et nais avec moi , frère !

Traduction de Roger Caillois