Extraits de la Préface de Roger CAILLOIS à sa traduction de l’oeuvre DE PABLO NÉRUDA
"Macchu Picchu , cité ou forteresse cyclopéennes , se dresse , au-dessus des lianes et des orchidées , sur une étroite plate-forme au flanc d’un pic des Andes .
Découverte en 1911 par un professeur de Yale , Hiram Bingham , elle passe pour le dernier refuge où s’isola , après la conquête de Cuzco par Pizarre un parti d’Incas irréductibles .
Hiram Bingham la rechercha sur la foi d’un texte de Garcilaso qu’on tenait alors pour conte de nourrice .Il découvrit et le site inconcevable et les murailles inintelligibles .
Ces blocs énormes , hissés à telle altitude , polis , strictement assemblés , témoignent d’un monstrueux et inutile effort . …
Sous la pointe du mont , une terrasse surplombe un coude du fleuve Urabamba , qui brille à fond d’abîme . Nid d’aigle émergeant de l’inextricable et vivace entrelacs de la forêt-mère , les murs gigantesques demeurent un défi et une énigme de l’homme à l’histoire .
Pablo Néruda (s’en est) approché en pèlerin venant s’interroger sur un immense et obscur martyr .
Au prix de quels sacrifices l’industrie humaine parvint-elle à installer au coeur de cette solitude la mieux protégée ses structures personnelles : perpendiculaires et hypoténuses , rectangles et trapèzes ?
Le poème de Néruda n’est rien d’autre qu’une longue méditation lyrique sur la grandeur et peut-être l’absurde de pareille entreprise
Hauteurs de Macchu Picchu est né de cet accord entre la grandeur de l’objet du poème et l‘éclat de sa langue . Les confuses , les contradictoires , les indestructibles revendications humaines y sont exprimées en un style d‘une brutale et fastueuse splendeur .
C’est assez pour que plusieurs reconnaissent en ce presque psaume un des sommets de l’oeuvre de Pablo Neruda ."
Écoutez
Les hauteurs du Machu Picchu
Chant VI
Entonces en la escala de la tierra he subido
entre la atroz maraña de las selvas perdidas
hasta ti, Macchu Picchu.
Alta ciudad de piedras escalares,
por fin morada del que lo terrestre
no escondió en las dormidas vestiduras.
En ti, como dos líneas paralelas,
la cuna del relámpago y del hombre
se mecían en un viento de espinas.
Alors , j’ai monté sur l’échelle de la terre ,
Parmi l’atroce enchevêtrement des forêts perdues ,
Jusqu’à toi , Macchu-Picchu.
Haute cité de pierres escalières ,
La demeure ,enfin , de ce que la terre
Ne dissimula pas sous des vêtements endormis.
En toi, comme deux lignées parallèles,
Le berceau de l’éclair et celui de l’homme
Se balançaient dans un vent d’épines.
—————————
Madre de piedra, espuma de los cóndores.
———————
Alto arrecife de la aurora humana.
——————
Pala perdida en la primera arena.
———————
Mère de pierre, écume des condors.
Haut récif de l’aurore humaine.
Pelle abandonnée dans le premier sable.
————————
Ésta fue la morada, éste es el sitio:
aquí los anchos granos del maíz ascendieron
y bajaron de nuevo como granizo rojo.
————————
Aquí la hebra dorada salió de la vicuña
a vestir los amores, los túmulos, las madres,
el rey, las oraciones, los guerreros.
——————
Ceci fut la demeure, ceci est le lieu :
Là , les larges grains de maïs montèrent
Et descendirent à nouveau comme une grêle rouge.
Là , le fil doré fut tiré de la vigogne
Pour vêtir les amours, les tombes, les mères,
Le roi, les prières, les guerriers.
Aquí los pies del hombre descansaron de noche
junto a los pies del águila, en las altas guaridas
carniceras, y en la aurora
pisaron con los pies del trueno la niebla enrarecida,
y tocaron las tierras y las piedras
hasta reconocerlas en la noche o la muerte.
———————
Là, les pieds de l’homme reposèrent la nuit,
Auprès des serres de l’aigle, dans les hauts repaires
Des carnassiers et, à l’aurore ,
Foulèrent à côté des pieds du tonnerre le brouillard raréfié,
Et touchèrent terre et pierres assez
Pour les reconnaître dans la nuit ou la mort.
——————————
Miro las vestiduras y las manos,
el vestigio del agua en la oquedad sonora,
la pared suavizada por el tacto de un rostro
que miró con mis ojos las lámparas terrestres,
que aceitó con mis manos las desaparecidas
maderas: porque todo, ropaje, piel, vasijas,
palabras, vino, panes,
se fue, cayó a la tierra.
—————————
Je regarde les vêtements et les mains,
La trace de l’eau dans le creux sonore,
La paroi adoucie par le contact d’un visage
Qui regarda avec mes yeux , les lampes de la terre ,
Qui huila avec mes mains , les bois
Disparus , parce que tout, les habits, la peau, la vaisselle,
Les mots, le vin, le pain,
Tomba, s’en fut à la terre
Y el aire entró con dedos
de azahar sobre todos los dormidos:
mil años de aire, meses, semanas de aire,
de viento azul, de cordillera férrea,
que fueron como suaves huracanes de pasos
lustrando el solitario recinto de la piedra.
Et l’air passa avec ses doigts
De jasmin sur tous les dormants :
Mille années d’air , des mois, des semaines d’air,
De vent bleu, de cordillère de fer,
Qui furent comme de doux ouragans de pas
Lustrant le solitaire enclos de la pierre.
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VI
Entonces en la escala de la tierra he subido
entre la atroz maraña de las selvas perdidas
hasta ti, Macchu Picchu.
Alta ciudad de piedras escalares,
por fin morada del que lo terrestre
no escondió en las dormidas vestiduras.
En ti, como dos líneas paralelas,
la cuna del relámpago y del hombre
se mecían en un viento de espinas.
————————
Madre de piedra, espuma de los cóndores.
———————
Alto arrecife de la aurora humana.
——————
Pala perdida en la primera arena.
———————
Ésta fue la morada, éste es el sitio:
aquí los anchos granos del maíz ascendieron
y bajaron de nuevo como granizo rojo.
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Aquí la hebra dorada salió de la vicuña
a vestir los amores, los túmulos, las madres,
el rey, las oraciones, los guerreros.
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Aquí los pies del hombre descansaron de noche
junto a los pies del águila, en las altas guaridas
carniceras, y en la aurora
pisaron con los pies del trueno la niebla enrarecida,
y tocaron las tierras y las piedras
hasta reconocerlas en la noche o la muerte.
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Miro las vestiduras y las manos,
el vestigio del agua en la oquedad sonora,
la pared suavizada por el tacto de un rostro
que miró con mis ojos las lámparas terrestres,
que aceitó con mis manos las desaparecidas
maderas: porque todo, ropaje, piel, vasijas,
palabras, vino, panes,
se fue, cayó a la tierra.
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Y el aire entró con dedos
de azahar sobre todos los dormidos:
mil años de aire, meses, semanas de aire,
de viento azul, de cordillera férrea,
que fueron como suaves huracanes de pasos
lustrando el solitario recinto de la piedra.