Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Paul Valéry Rencontre avec Paul Valéry : Cantiques des colonnes

Écoutez Gilles-Claude Thériault

Je recopie ci-dessous une courte présentation de ce poème, trouvée sur internet :

"Par un radieux matin grec, Valéry médite devant des colonnes antiques qui lui semblent une image stylisée de l'homme, un symbole de l'intelligence victorieuse de la matière, une synthèse unissant l'architecture aux mathématiques, ainsi qu'à la musique et à la danse".

CANTIQUE DES COLONNES À Léon-Paul Fargue.

Douces colonnes, aux

Chapeaux garnis de jour,

Ornés de vrais oiseaux

Qui marchent sur le tour,


Douces colonnes, ô

L’orchestre de fuseaux !

Chacun immole son

Silence à l’unisson.


— Que portez-vous si haut,

Égales radieuses ?

— Au désir sans défaut

Nos grâces studieuses !


Nous chantons à la fois

Que nous portons les cieux !

Ô seule et sage voix

Qui chantes pour les yeux !


Vois quels hymnes candides !

Quelle sonorité

Nos éléments limpides

Tirent de la clarté !


Si froides et dorées

Nous fûmes de nos lits

Par le ciseau tirées,

Pour devenir ces lys !

-

De nos lits de cristal

Nous fûmes éveillées,

Des griffes de métal

Nous ont appareillées.


Pour affronter la lune,

La lune et le soleil,

On nous polit chacune

Comme ongle de l’orteil !


Servantes sans genoux,

Sourires sans figures,

La belle devant nous

Se sent les jambes pures.


Pieusement pareilles,

Le nez sous le bandeau

Et nos riches oreilles

Sourdes au blanc fardeau,


Un temple sur les yeux

Noirs pour l’éternité,

Nous allons sans les dieux

À la divinité !


Nos antiques jeunesses,

Chair mate et belles ombres,

Sont fières des finesses

Qui naissent par les nombres !


Filles des nombres d’or,

Fortes des lois du ciel,

Sur nous tombe et s’endort

Un dieu couleur de miel.


Il dort content, le Jour,

Que chaque jour offrons

Sur la table d’amour

Étale sur nos fronts.


Incorruptibles sœurs,

Mi-brûlantes, mi-fraîches,

Nous prîmes pour danseurs

Brises et feuilles sèches,


Et les siècles par dix,

Et les peuples passés,

C’est un profond jadis,

Jadis jamais assez !


Sous nos mêmes amours

Plus lourdes que le monde

Nous traversons les jours

Comme une pierre l’onde !


Nous marchons dans le temps

Et nos corps éclatants

Ont des pas ineffables

Qui marquent dans les fables…

Charmes 1921