SABLE MOUVANT
Cheval perdu dans l'air
Après la cavalcade
Mirages du désert
Oasis ou cascade
Je suis sorti du port
Par un étroit passage
Et je rentre a la mort
Démuni de bagage
D'un regard clair et sec
J'observe la dislocation de la parade
La débâcle
La débandade
des troupeaux fauves dans les bois
Je m'étais engagé beaucoup trop loin déjà
Dans les méandres de ce sinistre labyrinthe
Plein de broussailles et d'épines
D'arêtes de poissons
De débris de cantines
D'écailles de chansons
De fabuleux décombres
Et plus que tout
Au delà des cloisons
Après le tremblement de terre
Pour pouvoir espérer retirer mon épingle du jeu
Ce n'était pas un jeu
(...)
Et le chanteur d'amour
Embrouillé dans les feuilles
Roucoule pour l'oreille sourde
qui l'accueille
La chanson d'un cœur d'or
Plus lourde que du plomb
Et les dates aussi se sont éparpillées
Dans les gouffres de l'atmosphère
Les chiffres plus vite brouillés
Entre les rides sèches de la terre
Dans tous les recoins des visages
Nuages de l'enfer arrêtés au passage
Je glisse sur la palissade
Par-dessus les feuillards et les épis de blé
Flatté par le ronron trop doux de ma paresse
Bercée dans ma prison
Comme un refrain d'amour
Ècoutez J.J.Marimbaud
Mais il y a quelque chose qui grince
Dans les chevilles
Qui joignent plutôt mal
La charpente des jours
Plus fort que l'ouragan
qui courbe le fil d'herbe
Dans les crevasses chargées d'eau
Plus haut que le splendide cintre de l'orage
Au summum de son numéro
Quand la houle se met à rincer durement la coque des navires
Et le vent à pincer la harpe des agrès
Je m'en irai plus bas
Peut-être à la dérive
Vers un autre côté
Ou bien je laisserai tomber les gouttes d'or dans la poussière
Ou bien j'irai mourir
Dans un creux de la nuit
Ou bien j'irai laver mon cœur dans la rivière
Comme un linge souillé des rigueurs du destin
Mais si le sort permet encore que je m'attarde
Pour perdre
Pour gagner
Au hasard des chemins
Ce qu'il faut pour pleurer
Ce qu'il faut pour sourire
Et attendre le sang
Du jour au lendemain
Alors
Je prie le ciel
Que nul ne me regarde
Si ce n'est au travers d'un verre d'illusion
Retenant seulement
Sur l'écran glacé d'un horizon qui boude
Ce fin profil de fil de fer amer
si délicatement délavé
par l'eau qui coule
les larmes de rosée
les gouttes de soleil
les embruns de la mer
Pierre Reverdy