Écoutez Olivier
Vieillir Ma jeunesse est finie
Ma jeunesse est partie
Je reste sur le cul
avec quarante ans d'âge
J'ai pris le pucelage
de la maturité
Me voilà qui grisonne
me voilà qui bedonne
je tousse et je déconne
déjà déjà déjà
Ah quand j'étais jeune homme
que j'étais heureux ! comme
un lézard au soleil
regardant mes orteils
brunir au bord de l'eau
et mon abencérage
dresser son chapiteau
Les années comptaient peu
les jours étaient légers
et toutes les nuits douces
Le ciel était bien bleu
les lunes étaient rondes
la neige était bien tiède
les blondes étaient blondes
J'avais une cravate
en soi-e naturelle
le mollet fort agreste
le pied bon comme l'œil
oui oui mais maintenant
c'est bien bien différent
suis suis à bout de course
je dévale la pente
dies irae dies illa
sic ibo ad astra
mais comme ce farceur
tombant d'un ascenseur
disait aux spectateurs
des différents étages
qui le regardaient choir
« jusqu'à présent ma foi
ça ne va pas trop mal
j'espère fermement
que ça continuera
encore un peu comme ça »
ainsi malgré les ans
la ride et l'urinal
le bide et l'emphysème
la toux et un moral
tant soit peu nostalgique
philosophiquement
je vieillis essayant
de jouir de mon reste
Sans feu et sans charbon
sans lard et sans lardons
sans œufs sans cinéma
sans ouisqui sans soda
sans beurre sans taksi
sans thé ni chocolat
j'écris quelques poèmes
qui valent je l'espère
ceux que j'élaborais
lorsque j'avais vingt ans
je les signais d'ailleurs
de la même façon
q-u-e-n-e-a-
u-r-a-i grec mond
L’Instant fatal
Editions Gallimard,1948