Le voisin de droite éteint sa tsf ,
le voisin de gauche arrête son phono ,
la voisine d'en haut cesse de glapir ,
la voisine d'en bas ferme son piano .
Les gens ne tirent plus sur la chasse d'eau ,
l'ascenseur ne chahute plus dans sa cage ,
les camions ne tonnent plus sur le pavé ,
dans la rue se tait le claxon des autos ,
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Sur le feuve la sirène , et dans les gares
la locomotive , et partout la machine ,
et la rumeur de la ville se dissout .
Le vent même ne fait plus bruire les arbres .
Personne ne crie personne ne parle et rien ne chante ,
ni souffle , ni murmure , ni fracas ,
mais quelque part il y a tant de bruit ,
tant de hurlements , tant de bavardages , et qu'on n'entend pas .
Il y a une petite voix qui parle et qui parle et qui parle
et qui raconte des histoires à ne plus dormir .
Il y a une grosse voix qui gronde et gronde et gronde
et dont la colère est un tintamarre à n'en plus finir .
Je cherche le silence et cherche après Titine ,
et Titine est ma mère après associations .
Le silence est celui de la chambre nuptiale
lorsque l'époux s'endort après son inaction.
L'amour viendra vers moi si le calme triomphe ,
vérité de mon geste et sa dénonciation :
je sais pourquoi j'agis en dépit de ce monde .
Il faudrait que cela devînt ma guérison .
J'entends grincer en moi mille poulies de mort
et crisser sans répit de méchantes girouettes .
Comme Raymond , j'enlève une nonne sanglante
et la nonne est ma mère – après associations .
"Monsieur" lui ai-je dit "vous blaguez un peu fort !
je ne puis supporter la turlupination
que vous me dites être une psychanalyse .
Je m'en vais promener jusqu'à la Saint Glinglin ."
Cependant je revins ! j'étais devenu muet .
Le silence est donc double et j'essaie de cet autre ,
mais si dire est pénible , encor bien plus se taire .
L'analyse reprend son cours interrompu .
Chêne et chien p.73-74 Poésie-/Gallimard