Écoutez René Char
Je suis né comme le rocher, avec mes blessures. Sans guérir de ma jeunesse superstitieuse, à bout de fermeté limpide, j'entrai dans l'âge cassant .
En l’état présent du monde , nous étirons une bougie de sang intact au dessus du réel et nous dormons hors du sommeil.
Ce qui partout domine sans être aperçu : les alchimies et leurs furolles.
Le créateur est pessimiste , la création ambitieuse , donc optimiste . La rotation de la créature se conforme à leurs prescriptions adverses.
Dans la fidélité , nous apprenons à n’être jamais consolés .
Sans l’appui du rivage , ne pas se confier à la mer , mais au vent.
J'ai de naissance la respiration agressive.
Il faut saluer l’ombre aux yeux mi-clos . Elle quitte le verger sans y cueillir .
Souffrir du mal d’intuition .
Sur la poésie la nuit accourt , l’éveil se brise , quand on s’exalte à l’exprimer . Quelle que soit la longueur de sa longe la poésie se blesse à nous , et nous à ses fuyants .
Il advient que notre coeur soit comme chassé de notre corps . Et notre corps est comme mort.
L’impossible , nous ne l’atteignons pas , mais il nous sert de lanterne . Nous éviterons l’abeille et le serpent , nous dédaignerons le venin et le miel .
L’aubépine en fleurs fut mon premier alphabet .
Confort est crime , m’a dit la source en son rocher .
Sois consolé . En mourant , tu rends tout ce qui t’a été prêté , ton amour , tes amis . Jusqu’à ce froid vivant tant de fois recueilli .
La grande alliée de la mort , celle où elle dissimule le mieux ses moucherons : la mémoire . En même temps que persécutrice de notre odyssée , qui dure d’une veille au rose lendemain .
L’homme : l’air qu’il respire , un jour l’aspire ; la terre prend les restes .
O mots trop apathiques , ou si lâchement liés ! Osselets qui accourez dans la main du tricheur bienséant , je vous dénonce .
Tuer m'a décuirassé pour toujours . Tu es ma décuirassée pour toujours . Lequel entendre ?