Les amis de Rochefort
Le ciel et le grand air
La flamme du clocher dégagée du tonnerre
La place de l’église
Les pelouses du toit jonchées de pierres grises
Une table encombrée de feuillage et de mains
Pour chaque ami un lendemain
Ce soir encore ensemble
Dans mes yeux le rideau de ton regard qui tremble
Je voudrais tant rester cet hiver parmi vous
Le visage dans la mousse de vos genoux
Le vent n’efface pas le bruit de vos paroles
Je prends place dans vos poitrines sur ce môle
Où s’attarde déjà la nef de l’horizon
C’est votre sang qui donne une teinte aux saisons
Vogueurs de grands chemins
Négriers des villages
Les gibiers du soleil tiennent dans votre cage
Vous êtes à l’avant du monde les passeurs
Les rapides du soir empruntent votre cœur
Je vous regarde aller
Vous marchez bien quand même
C’est à travers vos pas la lumière que j’aime
Au-dessus des étangs le son de votre voix
Et je rejoins la nuit
Très tard
À contre-voie.
(René-Guy CADOU, La vie rêvée, Paris, Robert Laffont, 1944)