Réédition du billet du 27 juin 2018
Écoutez un extrait de « Oiseaux » sur une musique de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho , poème dit par Amin Maalouf
XIII
Oiseaux, lances levées à toutes frontières de l’homme !...
L’aile puissante et calme, et l’œil lavé de sécrétions très pures, ils vont et nous devancent aux franchises d’outre-mer, comme aux Echelles et Comptoirs d’un éternel Levant. Ils sont pèlerins de longue pérégrination, Croisés d’un éternel An Mille. Et aussi bien furent-il « croisés » sur la croix de leurs ailes… Nulle mer portant bateaux a-t-elle jamais connu pareil concert de voiles et d’ailes sur l’étendue heureuse ?
Avec toutes choses errantes par le monde et qui sont choses au fil de l’heure, ils vont où vont tous les oiseaux du monde, à leur destin d’être créés… Où va le mouvement même des choses, sur sa houle, où va le cours même du ciel, sur sa roue - à cette immensité de vivre et de créer dont s’est émue la plus grande nuit de mai, ils vont, et doublant plus de caps que n’en lèvent nos songes, ils passent, nous laissant à l’Océan des choses libres et non libres…
Ignorants de leurs ombres, et ne sachant de mort que ce qui s’en consume d’immortel au bruit lointain des grandes eaux, ils passent, nous laissant, et nous ne sommes plus les mêmes. Ils sont l’espace traversé d’une seule pensée.
Laconisme de l’aile ! ô mutisme des forts… Muets sont-ils, et de haut vol, dans la grande nuit de l’homme. Mais à l’aube, étrangers, ils descendent vers nous : vêtus de ces couleurs de l’aube – entre bitume et givre – qui sont les couleurs mêmes du fond de l’homme… Et de cette aube de fraîcheur, comme d’un ondoiement très pur, ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la création.
Washington, mars 1962 Oiseaux-Editions Gallimard, 1963
:::::::
Extrait de Wikipedia :
Écriture et publication du recueil Oiseaux Le « compagnonnage » entre Saint-John Perse et Georges Braque.
Ce recueil de poèmes est le résultat de l'initiative, en janvier 1962, des éditeurs François et Janine Crémieux qui contactèrent Saint-John Perse pour que ce dernier réalise les textes d'un livre de lithographies de Georges Braque consacrées aux oiseaux, ouvrage publié à l'occasion de la célébration des quatre-vingts ans du peintre1. Saint-John Perse, enthousiasmé par le projet qu'il considère comme un « compagnonnage1 » – en raison de l'estime qu'il porte à l'homme et au peintre, rencontré à deux reprises (en 1958 et en 1961) –, finit de rédiger, en mars 1962 à Washington2, les derniers poèmes d'un projet antérieur déjà avancé. Le livre paraît initialement dans une édition de luxe à tirage limité (150 exemplaires) en juin 1962 sous le titre L'Ordre des oiseaux avec douze lithographies de Georges Braque (tirées chez le graveur Aldo Crommelynck).
Avec l'accord des éditeurs pour que les droits d'auteur du recueil lui soient laissés à des fins de publication séparée, Saint-John Perse fait paraître en décembre 1962 ses poèmes dans La Nouvelle Revue française sous le titre de Oiseaux, puis en octobre de l'année suivante l'ensemble du recueil aux éditions Gallimard1.
Le recueil Oiseaux, qui fait partie du « cycle provençal » de l'auteur, présente en épigraphe une citation latine de Aulus Persius Flaccus (dit « Perse »), extraite de ses Satires :
« ...Quantum non milvus oberret ...Plus que ne couvre le vol d'un milan » — Aulus Persius Flaccus, Satires, livre IV. 5,26.
Structure du recueil
• I. L'oiseau, de tous nos consanguins...
• II. Les vieux naturalistes française...
• III. Toutes choses connues du peintre...
• IV. De ceux qui fréquentent l'altitude...
• V. Pour l'oiseau schématique à son point de départ...
• VI. L'heure venue de la libération...
• VII. Rien là d'inerte ni de passif...
• VIII. Oiseaux, et qu'une longue affinité...
• IX. D'une parcelle à l'autre du temps partiel...
• X. Gratitude du vol !...
• XI. Tels sont les oiseaux de Georges Braque...
• XII. Ce sont les oiseaux de Georges Braque...
• XIII. Oiseaux, lances levées...